L’homme en costume gris c’est Thomas R. Rath, surnommé Tom. Employé de la Fondation Schanenhauser, il est marié à Betsy avec laquelle il a trois enfants. Tom a des ambitions professionnelles et des envies d’ascension sociale, soutenu par son épouse. Car en ces années 1950, alors que le spectre de la seconde guerre mondiale s’éloigne, non sans avoir laissé quelques séquelles chez Tom, l’avenir est à ceux qui bousculent le hasard et vont de l’avant.
C’est pour cela que Tom va postuler à l’United Broadcasting. Il devient l’assistant d’Hopkins pour travailler sur un projet de comité pour la santé mentale. Mais cette ambition s’accompagne de nombreuses heures de travail, de mission de dernière minute, de réunions tardives, toutes choses incompatibles avec une vie de famille épanouie à laquelle Tom aspire. Un choix s’impose.
Ce roman, édité en 1955, est le récit d’un homme qui cherche à tout concilier et à conserver son équilibre. S’il aspire à donner à sa femme et ses enfants une vie heureuse, à transmettre autour de lui l’image d’un homme dynamique, ambitieux, capable de mener de front vie personnelle et vie professionnelle, à répondre aux attentes de sa femme en termes de place au sein d’une société qui peut facilement juger un train de vie, Tom est aussi un être que la guerre a marqué et qui s’interroge sur la pertinence de ces ambitions et des moyens pour y parvenir.
Certes, l’ouvrage est marqué par l’époque où il a été écrit et qu’il met en scène. Mais on ne peut pas ne pas y voir un écho à notre époque dans les interrogations que cela soulève sur le rapport au travail, à l’image qu’on veut renvoyer, à la place qu’on veut donner à la vie personnelle. En contrepoint du personnage de Tom, il y a ainsi celui de son patron, Hopkins, archétype du tycoon à qui tout réussi mais qui a laissé au bord du chemin une femme désespérée et une fille qui refuse le modèle social qu’on lui présente. Une famille totalement en faillite.
Sloan Wilson profite aussi de ce récit pour évoquer longuement la guerre, les traces que cela laisse, les abus qu’elle autorise et qui font que Tom s’interroge sur sa propre personnalité. Tout un pan de sa vie est ainsi tenue secrète : la mort de son meilleur ami durant une attaque et la relation qu’il a eu avec une jeune italienne dont il n’a jamais parlé avec Betsy.
Ce roman très bien écrit est extrêmement riche en sujets. Ses 450 pages se lisent d’une traite avec un grand intérêt. Il s’agit bien, en effet, d’une œuvre majeure de la littérature américaine.