Ce petit livre, écrit par un auteur que la quatrième de couverture présente comme spécialiste français de topologie cosmique, s'essaie à présenter simplement des concepts redoutablement complexes de cosmologie relativiste.
Sans rentrer dans les équations, et sans qu'il y soit question du détail de la relativité générale, il s'intéresse avant tout à ce qu'elle peut dire de la forme globale de l'univers : sa topologie. L'idée est de rendre compte, de façon si possible simple, de ces étranges espaces modélisant notre univers et que rendent possibles les équations d'Einstein : finis, sans bord, plus petits que l'univers observable et pourtant semblant aussi infinis (ou immense, allez) que lui. Ce faisant, il introduit quelques notions de topologie des surfaces (homotopie, simple et multiple connexité, groupe de Poincaré) et indique par quels moyens l'on pourrait tester les hypothèses faite - essentiellement des investigations fines du fond diffus cosmologique, à la recherche de certains cercles "semblables").
Le lecteur en quête de résultat sera déçu : pour le moment, on n'a pu ni infirmer, ni renforcer les hypothèses d'un petit univers. Work in progress, qui rend le bouquin intéressant au moins à ce titre : c'est de la science en train de se faire (bon, ça date de 2002, il faudrait que j'actualise ma connaissance sur le sujet, on a pu avancer depuis).
Le lecteur patient sera récompensé de quelques concepts topologiques. Il lui faudra des efforts : son style fût-il, à mon sens, clair, la taille réduite du livre ne permet pas de déployer des trésors de didactisme, et, l'auteur ne passant pas des pages à expliquer des concepts qui ont cette saveur mathématique qu'ils ne paraissent triviaux qu'une fois qu'on les a compris, un lecteur totalement ignorant en topologie (cette discipline selon laquelle un pneu vaut bien une tasse !) souffrira sans doute, malgré même, oui, oui, oui, l'absence totale de formule.
Le lecteur un brin plus mathématicien en revanche sera assez fortement irrité de quelques inexactitudes, voire ce que je crois être des faussetés patentes délivrées dans le corpus plus théorématiques. Surtout de la part d'un auteur se présentant comme spécialiste de la question. Manuscrit mal relu ou prétention exagérée ? Je ne sais. Mais cela a fait chuter le rang de ce livre d'un ou deux points, prenant ici, outre mon agacement effaré, le soucis empathique que j'ai pour le lecteur moins renseigné, que ces faussetés risquent d'induire assez considérablement en confusion. Je dépose ici les perles que j'ai relevées. Si je me suis trompé, je serai plus que ravi que l'on s'en vienne me corriger :) :
Ils ont étonnamment très souvent la même forme : une partie de proposition correcte, et une seconde - souvent une proposition réciproque - fausse (pas toujours dans cet ordre).
p.57. - il n'est pas possible de faire une carte plane rigoureusement exacte d'une portion de la surface terrestre, c'est-à-dire d'établir une correspondance continue entre la sphère et le plan. -- La première partie de la proposition est fausse ou ambiguë. On peut tout à fait produire une carte rigoureusement exacte d'une portion de sphère si par là on entend une carte à même d'être l'image de cette portion sur le plan de la carte par une transformation continue (voire lisse). En revanche, 1. on ne peut pas le faire en conservant toutes les propriétes géométriques de la portion de sphère (il y aura a minima déformation des angles ou des distances). Mais alors que la première propriété est topologique, celle-ci relève de la géométrie, ce que l'auteur nous dit, à longueur de page, ne l'intéresser pas. Je n'ai donc pas de façon de comprendre cette phrase, dans ce contexte, qui la rende recevable.
Cela dit 2. si l'on enlève portion et que l'on considère la totalité de la surface terrestre, la proposition devient vraie, et donc la seconde partie de la phrase est juste.
p. 84. le plan euclidien et la sphère sont des surfaces simplement connexes, mais le tore ou la sphère percée d'un trou sont Multiconnexes. -- La première partie de la proposition est correcte : on peut contracter tout lacet continument en un point sur le plan (euclidien) et la sphère.
Mais si le tore est bien une surface multiconnexe (groupe fondamental en Z), la sphère percée d'un trou est quant à elle parfaitement homéomorphe au plan (homéomorphe : "de forme semblable" : déformables continument l'une en l'autre). Elle est donc simplement connexe - et pas du tout multiconnexe ! En revanche la sphère percée de deux trous, homéomorphe au cylindre, est multiconnexe, de groupe fondamental Z.
p. 85. Aucune déformation continue du tore ne modifiera son groupe fondamental et toute surface ayant le même groupe fondamental [que celui du tore] sera topologiquement identique au tore.-- La première partie de la proposition est exacte - deux surface homéomorphes ont même groupe fondamental. -- La seconde est soit fausse, soit trivial : ou bien on entend par "topologiquement identique" le fait d'avoir le même groupe fondamental, et la proposition est tautologique et sans intérêt. En outre, elle contredit tout ce qu'on a dit auparavant, à savoir que l'indiscernabilité des surface pour le topologue revient à la possibilité de les transformer continument l'une en l'autre - ce qui est bien ce qu'évoque la première partie de la proposition. Si l'on garde donc cette définition, la proposition est fausse - c'est même une des choses que l'on martèle le plus en topologie : le groupe fondamental ne permet pas de classifier les surfaces, au sens où deux surfaces de même groupe fondamental peuvent ne pas être homéomorphes. Ainsi, Le groupe fondamental du tore est **Z**2. Or un cylindre à un trou (ou un té de tuyauterie) n'est pas homéomorphe au tore (il n'est pas compact) mais il est bien de groupe fondamental **Z**2 (je crois). Idem pour tous les Pn(R), n > 1, SO(n, R) n>2, etc (qui eux sont compacts... mais pas orientables ! Supposant que la théorème serait vrai pour "surface compactes sans bord orientable", ce que je ne sais pas, l'auteur utilise de toute façon des exemples qui ne rentrent pas dans cette catégorie). Bref. Caca beurk. Comme dirait l'autre. Quand il fut jeune. (Mais on l'a forcé, qui dirait un truc pareil de son plein gré).
p. 106. les amas de galaxies, avec une durée de vie de l'ordre de 5 milliards d'années lumière,… -- 5 milliards d'années, tout court, bien sûr.