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Le texte :
Une première chose est sûre : les couvertures de la maison d’édition Mirobole ne passent pas inaperçues, toutes crées sur le même principe de l’objet dans lequel s’inscrivent le titre et le nom de l’auteur, et sont toutes une réussite.


Une deuxième chose est sûre : si la qualité de ce livre est aussi représentative pour le reste des ouvrages que la qualité des couvertures, Mirobole dispose d’un catalogue plus qu’intéressant !


Alper Canigüz crée ici un personnage atypique : du haut de ses 5 ans, Alper Kamu est un enfant qui lit Nietzche, se pose des questions existentielles, ne dédaigne pas une partie de foot entre copains ou aller se frotter aux gamins des autres quartiers d’Istanbul, ne rechigne pas à boire de l‘alcool et n’hésite pas à mener l’enquête sur un crime qui a eu lieu dans sa rue et dont il est le seul à penser que la police ne détient pas le bon coupable, le tout armé d’un pistolet-jouet.


La galerie de personnages proposée par Canigüz est une véritable auberge espagnole de par la diversité des caractères, des situations dans lesquelles il les plonge…


Et le ton humoristico-sarcastique de Canigüz fait mouche. La drôlerie prend de multiples formes et peut surgir aussi bien du décalage entre le discours du héros, son âge et les situations dans lesquelles il le tient (à 5 ans, ses références sont Nietzsche, Marx, Camus, Sartre, le compositeur chinois Wu Zhaoji, il lance quelques aphorismes entre autre sur la vie et la mort « Entre nous, je n’imagine pas que les morts se vexent pour ça. Et à mon avis, il faudrait être une véritable andouille pour croire qu’ils prennent l’existence au sérieux » et ne doutons pas que dans le monde d’Alper Kamu ce type d’andouilles existe) que d’une liste à la Prévert dressée par Alper Kamu de noms (d’oiseaux) donnés à un policier (pour fastidieux que soit cet exercice, à écrire et à lire, je ne résiste pas à l’envie de vous la dresser : Représentant de l’ordre, Officier du bien, Ennemi juré du mal, Fervent défenseur de la loi, Homme à la main de fer dans un gant de velours, Homme de justice, Guerrier solitaire, Héros du peuple, Protecteur de nos vies, Bras armé de la justice, Cavalier à lunettes, Citadelle du courage, Force leste, Volonté de fer, Héroïque shérif, Roi des détectives, Fin limier, Epée de justice) ou encore dans les références, en forme d’hommages ou de critiques, par exemple à Hitchcock et à la « Mort aux trousses », Gauguin ou aux thrillers (je pense à la scène où le héros visite la demeure du Ruhan Bey, un voisin mystérieux, avec une ambiance de thriller et une tentative de cachette dans un placard, sous un escalier, où il craint de croiser « le frère meurtrier qui avait trois yeux et sept couilles à cause d’une expérience génétique insensée », histoire de mieux tourner en dérision les surenchères parfois farfelues rencontrées dans ce genre d’ouvrages).


Il y a aussi derrière ce côte primesautier un vrai tableau sombre et sans concession du fonctionnariat corrompu stambouliote à travers la police, l’appareil judiciaire ou l’administration qui emploie les parents d’Alper.


Voir aussi la chronique d’Encore du Noir.


Et quelques extraits glanés parmi tant d’autres que je ne peux que vous conseiller cet assassinat plus drôle que noir :


- Attends, laisse-moi deviner : si je n’annule pas la mutation de ton père, tu vas aller déposer cette liste au bureau du procureur…
- Voir que nos institutions publiques sont dirigées par des fascistes aussi subtils que vous me redonne confiance en ce pays, monsieur.
J’aime jouer au football. Ce jeu comble mon besoin d’affrontement physique. Rentrer à la maison en sang, couvert de bleus après une partie difficile est un plaisir unique. On a le sentiment d’être le héros d’une guerre ; on ne se pose plus la question de l’essence et de l’existence.
Ces deux gars m’amusaient beaucoup. Leur relation était construite sur un manque de confiance absolue. Pour eux, se faire des sales coups à toute heure, c’était la routine. Sans offense, ni ressentiment. Quelque part, ils me faisaient penser au Surhomme de Nietzche.
Selon eux, Gazanfer se métamorphosait en chien enragé quand il se battait, au point qu’il pouvait même oublier qu’il se battait avec son propre frère et insultait sa propre mère. Belles conneries. Il était plutôt question d’un complexe d’Œdipe bien costaud.

Ga_Roupe
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le 21 sept. 2015

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