"L'atelier du diable" est le genre de roman dont on ne ressort pas indemne car il pousse à l'extrême l'exploration de nos valeurs et leurs paradoxes. Le livre questionne le devoir de mémoire en parcourant le périple d'un jeune tchèque parti en quête de la mémoire de ces ancêtres victimes du génocide de la Seconde Guerre Mondiale. Souhaitant entretenir la mémoire des sanctuaires de cette guerre qui a déchiqueté l'Europe de l'Est, le héros part en Biélorussie où il rencontre un groupe secret qui projette de valoriser le patrimoine morbide. Or les autorités préfèrent tenir enfouis des mémoires dont le sang, encore trop chaud, risquerait de faire ressurgir du passé des horreurs pouvant déstabiliser le pays et les relations avec la Russie. Le récit est passionnant. Écrit à la première personne avec une plume brute qui nous révèle toute la violence enfouis dans les charniers d'où s'élèvent les contradictions contemporaines.
Un peu à la manière de Yoko Ogawa, dans le "Musée du Silence", Jachym Topol nous demande : Qu'est-ce que faire mémoire ? Et il nous entraîne à l'extrémité de nos pratiques patrimoniales, à la limite du voyeurisme et de la fascination obscène, et ce, jusqu'à l'horreur.