Derrière ce titre ronflant et à rallonge se cache un ouvrage qui à défaut de pouvoir être exhaustif se veut fleuve. On vous causera plantes bio-indicatrices, donc diagnostic du sol, et ainsi du sol lui-même, mais aussi du rôle qu'ont ces plantes dans un biotope et par ricochet des applications que l'homme peut trouver pour répondre à ses besoins. Vaste entreprise.
Afin d'y voir un peu plus clair dans ce qui pourrait être un fatras incompréhensible, l'ouvrage est découpé en plusieurs parties par son auteur, à l'aide d'un code couleur en bordures de pages, habile.
La première partie - à bords jaunes - est la plus écrite, il s'agit ici du guide de diagnostic des sols à proprement parler. Mon propos s’attardera donc particulièrement sur cette dernière, car c’est essentiellement dans celle-ci que réside l’intérêt du livre pour un profane en la matière.
En effet, Ducerf s'assure que son lectorat aura les clés pour comprendre - puis réaliser - un diagnostic du sol. Il reprend donc les bases ; de la naissance de la vie sur Terre, ce qu'est la photosynthèse, la chimie du vivant en général, la nature des interactions chimiques, le tableau périodique etc... Bref, ce que vous auriez dû retenir de votre cursus collège/lycée en Physique/Chimie et en Sciences Nat. Premier constat pour ma part, l’Éducation Nationale a échouée dans cette mission. En effet, force est de constater que, pour le péquin standard que je suis, pas évident de faire le lien entre certaines connaissances dont l'apprentissage était compartimenté dans différentes "matières" et étalées sur plusieurs années. De l'importance de l'apprentissage transversal ? Mais je diverge.
Si ce rappel est à propos, même pour les plus vifs d'esprits, c'est qu'il sert d'introduction à des connaissances plus récentes concernant les biotopes, de l’équilibre et de la dynamique des sols.
Pêle-mêle ; le rôle crucial des bactéries aérobies et anaérobies, les relations symbiotiques, le fragile équilibre chimique d’un sol et les moyens de le faciliter, pour ne citer qu’eux. Là, où, le bas blesse, c’est que le tout nous est assené sans aucunes sources, et pour un curieux de nature, c’est un peu frustrant. A moins que l’auteur n’ait déduit tout ça qu’en observant, lui qui se réclame être un « botaniste de terrain depuis 1979 » ? Je suis taquin, je l’admets.
Je dois toutefois concéder qu’il réussit plutôt bien son entreprise de vulgarisation, les notions abordées sont rendues aisément compréhensibles tout en n’étant pas simplifiées outre mesures. A noter également, certains propos de l’ordre du manifeste, notamment quand il s’agit d’aborder les responsabilités des égarements actuels ou des solutions proposées.
Ceci étant dit, cette partie se suffit à elle-même, et je dois dire qu’elle aurait dû faire l’objet d’une publication elle-seule, pour un prix plus modique. Rendant plus accessibles des connaissances qui me semble aujourd’hui, non seulement intéressantes, mais essentielles. Dommage.
La seconde partie – à bords verts - est la partie encyclopédique et la plus volumineuse de l’ouvrage, à chaque page sa fiche concernant une plante bio-indicatrice. Les dites fiches bien que profuses restent claires. On y trouve en effet tout ce qu’on désirait savoir sur ces plantes bio-indicatrices, et les photos d’illustrations sont de bonnes qualités. Un bon outil de mise en pratique.
La troisième et dernière partie – à bords bleus – constitue essentiellement un annexe, dans lequel vous trouverez quelques conseils cuisine, un index et une bibliographie commentée. Bibliographie qui est venue combler – en partie – mon désir de sources. Et à la vue du titre de certains ouvrages et des commentaires de l’auteur, est né le sentiment que si cette « encyclopédie » est un très bon ouvrage de vulgarisation et un bon outil pour un profane, il n’en demeure pas moins que l’essentiel du travail avait probablement été effectué en amont par des chercheurs.
En somme, si on peut supposer la singularité de la démarche de vulgarisation de Ducerf, reconnaître sa qualité, on peut aussi s’interroger sur la paternité de la théorie qu’il nous présente. Je dois confesser qu’à l’heure actuelle ce n’est qu’une suspicion, mais quelque chose me dit que la première partie, essence de l’ouvrage, n’est peu ou prou que de la reformulation de travaux de chercheurs et chercheuses, qui si ils ont été publiés dans des revues ou collections spécialisées se voient encore cantonnés au crédit « ingrat » d’une simple mention dans la bibliographie de fin d'un livre à plus fort tirage. Il faudrait vraiment rendre accessibles les publications scientifiques, surtout quand elles sont le fruit d’un financement public. Ou quand on sait la mise en lumière de certains projets libres.
Car sans être un ayatollah de la zététique, je crois qu'il est toujours intéressant que l'on nous invite à approfondir un sujet par nous-même. Et qu'il est important de créditer les travaux qui nous ont permis d'avancer.
Prends ça Graham Bell.
PS : Pour les curieux, voici une conférence de Gérard Ducerf, dans lequel il présente l’essentiel de son bouquin : https://www.youtube.com/watch?v=knkH6lzgNwU
Et quelques ouvrages cités dans l’encyclopédie que j’aimerais lire pour savoir si mes réserves sont justifiées :
STENGEL P., Sol interface fragile, INRA, Paris 1998.
RAYNAL-ROQUES Aline, La botanique redécouverte, BELIN-INRA 1994.
HALLE Francis, Eloge de la plante, Le Seuil, Paris 1999.
PPS : Désolé pour la critique un peu indigeste, j'ai pas mal rouillé en quelques années.