Corina Bomann, écrivaine allemande pour la première fois traduite en France, réussit la prouesse de dépoussiérer le roman de saga familiale.En situant son livre entre 1887-1888 et 2008, avec un découpage maîtrisé et dynamique,Corina Bomann nous fait voyager entre le Sri Lanka, l’Angleterre et l’Allemagne. Chaque pays ayant un rôle précis à jouer dans l’intrigue et surtout la quête du personnage de Diana Wagenbach, cherchant à reconstituer l’histoire familiale mouvementée de ses ancêtres. Sur cent vingt ans, elle appréhendera de nombreux secrets de famille où des épisodes du passé la remettront en face de la rigidité des mœurs. En effet, les conventions terribles du mariage arrangé, la façon d’écarter un batard ou une femme enceinte « dans le péché » ( car ils sont hors normes) ou de punir violemment et arbitrairement sont des réalités peu flatteuses et si peu enjolivées de cette fin du dix-neuvième siècle.Diana, femme moderne et libérée du vingt et unième siècle ( et accessoirement avocate de profession) ne peut que les concevoir avec terreur et déchirement.Au-delà de ces mauvais moments, les escapades rieuses des sœurs Tremayne ( ancêtres de Diana et de sa tante Emmely), une romance puissante mais condamnée ainsi qu’une lumière sur les raisons des vrais salauds ( dont certains ne sont pas épargnés par le destin) rendent l’ensemble habité et consistant. L’épilogue de l’ile aux papillons ( grâce au récit de Cahill, un homme de main faible de la plantation de thé) change le point de vue sur l’histoire et prouve les failles humaines et répétitives sévissant malgré tout.C’est bien vu et Bomann en relatant toutes ces animosités contenues qui doivent exploser un jour décrit les mécanismes bien ancrés des nuisances gratuites et inutiles ( que Diana retrouve elle aussi ponctuellement dans sa propre vie de couple et qu’elle finit heureusement par dédaigner).Si vous aimez les histoires au long cours ( celle-ci faisant quand même 550 pages), les vérités non définitives et Les soubresauts narratifs, ce livre vous plaira certainement tout en questionnant vos propres lignées familiales ( ayant elles-mêmes même leurs propres raisons).