Recueil de nouvelles du sulfureux ou peu fréquentable Drieu La Rochelle traitant de la Première Guerre Mondiale, avec un narrateur omniprésent qu’on identifie forcément à l’auteur.
Univers étrange. En effet, il est marquant de traiter de cette guerre sans vraiment relater un combat, une bataille, si ce n’est par une ellipse. Par contre, on tisse peu à peu un portrait du narrateur, avec ses angoisses dont la possibilité d’une mort imminente soulève le couvercle des aspirations juvéniles escamotées : rêves de gloire, d’honneur et d’amour. Si dans un premier temps, on est à la rencontre d’un jeune homme juste sorti de l’adolescence et de ses nécessités, un esprit empreint de désillusion, d’empathie envers l’autre semble installer au final un humaniste des temps modernes. Drieu revendique son origine et son conformisme petit-bourgeois, comme une identité ou une culture, pour mieux les mettre en défaut et en montrer les mesquineries et bassesses, tout particulièrement dans les nouvelles de la comédie de Charleroi et le chien de l’Ecriture. La fine frontière étanche entre lui et les autres est un thème récurrent de ces nouvelles : Drieu se sent toujours plus ou moins décalé ou inadapté aux situations qu’il narre. Ses relations nécessaires avec le gente féminine sont purement hygiéniques et leurs représentantes semblent le plus souvent peu dignes d’intérêt, pour ne pas dire stupides. Son sens de l’ordre et de la patrie sont par contre un élément majeur de ces nouvelles. Sur ce dernier point, Drieu la Rochelle ne fait pas l’apanage des idées dont il se fera le héraut par la suite. Non il se questionne surtout sur le rôle et la propension à commander et surtout la sienne qu’il juge rapidement devoir se limiter au niveau du simple bidasse.
Mais surtout il y a le style de Drieu qui a encore une fois fait mouche, bien des années après Gilles dont je ne garde plus qu’un agréable souvenir. Comme je n’ai plus l’ouvrage sous la main, vos invocations n’y feront rien : vous n’obtiendrez pas le moindre petit extrait


Ce recueil comprend cinq nouvelles :
La comédie de Charleroi
La plus longue de ses nouvelles. Le narrateur est le secrétaire particulier de Madame Prantzen, riche bourgeoise qui a perdu son fils unique dans des combats à Charleroi. Le narrateur était plus une connaissance de régiment qu’un camarade et a vécu les événements qui ont conduit à la perte du fils. Dans cette nouvelle, deux récit se chevauchent : le pèlerinage bigoto-patriotique de cette bourgeoise qui se rend en Belgique habillée en infirmière et engoncée dans ses médailles, qui ne sait pas aimer et ne se vit et se voit que par son rang, sa fortune, ses relations brillantes surtout si elles sont ministérielles et qui jouit presque de pouvoir jouer les pietas éplorées grâce à son fils qui a eu la courtoisie de bien vouloir devenir un héros de guerre. Les carolorégiens bien qu’en pointillés ne sont pas oubliés. Le second récit nous transmet les souvenirs fulgurants qui transpercent le narrateur à mesure qu’il se déplace sur les lieux de la bataille. A mon avis, la nouvelle la plus réussie !


Le chien de l’Ecriture
Un fils de bourgeois, initialement dans le corps prestigieux des dragons, se retrouve affecté dans l’infanterie où il crève de trouille d’aller à l’assaut et demande inlassablement son affectation dans l’aviation. Très belle chute qui donne tout son sens à la nouvelle.


Le voyage des Dardannelles
Le narrateur demande à être affecté sur le front turc. Cela sera essentiellement l’occasion de nous proposer une description de certains de ses camarades peu recommandables, de donner un tableau en gris sale de Marseille ainsi que de la vie de camp avant l’embarquement.


Le déserteur
Après-guerre, le narrateur se trouve en Amérique latine et échange des propos avec un déserteur de la première heure. Petite étude philosophique sur le droit de déserter.


La fin d’une guerre
En cette fin de conflit, le narrateur se retrouve interprète auprès des armées américaines. C’est l’heure des bilans et surtout de partir et de passer à autre chose …

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le 28 juil. 2015

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