♥♥ NE PASSEZ SURTOUT PAS À CÔTÉ DE CE ROMAN DÉLECTABLE, DRÔLE, PLEIN D'ESPRIT, DE FANTAISIE ET DE SUSPENSE… C'est mon COUP DE COEUR du moment (et ce sera bientôt LE VÔTRE !) ♥♥
Voilà, au moins l'essentiel est dit !
Continuons maintenant tranquillement...
« Allons allons, Livia, reprends-toi, ça commence »… Non, vous n'êtes ni chez Marivaux ni chez Musset, quoique… Livia échange par mail avec un écrivain quadragénaire à succès : Octave Milton dit Ottavio, son ancien ami, un garçon peu inspiré et un brin velléitaire. Celui-ci lui explique qu'il va tenter de devenir pensionnaire à la villa Médicis (où a résidé l'autrice pour écrire ce roman…) En attendant, Ottavio doit écrire une lettre de candidature mais il a peu d'imagination et encore moins de motivation, il faut bien le dire. Livia lui suggère l'idée d'un roman épistolaire par mails qui mettrait en scène un narrateur, Pedro M. qui ferait des recherches sur son ancêtre l'architecte Borromini (la légende familiale raconte qu'en effet notre Ottavio descendrait de Borromini)… C'est nouveau, ça devrait plaire, l'encourage Livia. Il suffirait au lecteur d'acheter un mot de passe, il pourrait suivre l'échange épistolaire en se connectant…
Ottavio séduit le jury… Ah, les jolies balades dans Rome qui se profilent… Il lui reste à avertir son éditeur Paul Otchakovsky-Laurens qui trouve l'idée intéressante. L'aventure commence donc : découverte du petit monde des pensionnaires et de leur art - qui semble n'en avoir que le nom ! - (c'est piquant, mordant à souhait et si drôle!), du fonctionnement de la villa Médicis, des règles qui régissent toute cette faune étrange et des cris stridents des paons « léon » « léon » « léon » qui se pavanent près de l'allée des Orangers où la directrice a planté des artichauts… Quel microcosme insolite et rocambolesque…
Livia, restée à Paris, veut des détails, Ottavio les lui envoie. Mais l'écriture de son propre roman n'avance pas : inspiration et enthousiasme s'étiolent rapidement. Pourtant, de singulières rencontres ont lieu qui pourraient donner des idées à Ottavio : par exemple, une certaine Prune Mordillac, jeune fille naïve et pleine d'admiration, sagement accompagnée de « son père âgé de soixante-quatorze ans, professeur agrégé honoraire au lycée Henri IV et sa mère, âgée de soixante-neuf ans, sans profession», qui a adoré le dernier roman d'Ottavio, aimerait le rencontrer (en présence de père et mère of course). Pourquoi refuser cette drôle d'invitation ? Tiens, s'il racontait cette rencontre et l'intitulait « Mon coeur, bref », ce serait un beau titre pour P.O.L, non ?
Il lui faut aussi écrire quelques chroniques pour les Inrocks, un mail pour maman, un autre pour le frérot. Paul Otchakovsky-Laurens doit aussi lui rendre visite…
Tout ça est bien sympathique mais le satané roman n'avance toujours pas et Ottavio résume ainsi sa situation : « C'est l'histoire d'un écrivain en mal d'inspiration, qui décide, en suivant le conseil d'une ancienne amante, d'écrire sur ses ancêtres illustres, et qui se rend compte que ce sont de gros ploucs. End of the story, je laisse tomber mon livre, et j'attends que la vie me propose de nouvelles aventures» qui vont se présenter sous la forme d'une certaine Marianne (Octave, Marianne… quand je vous parlais de Musset!) Marianne Renoir (pseudonyme de l'autrice lorsqu'elle écrit pour les jeunes), linguiste, maître de conférences à l'Université de Nantes (tiens, c'est aussi la profession de Lise Charles) qui travaille sur « les pratiques ponctuantes des écrivains contemporains en matière de discours rapporté» (sujet à coup sûr étudié par l'écrivaine!) et aimerait interroger notre Ottavio sur « l'absence de marqueur du discours rapporté dans son dernier roman». Ottavio n'en sait rien, il a écrit « instinctivement », sans trop se poser de questions. Il lui faudrait peut-être interroger Livia, elle aura bien des idées, Livia ! Elle en a toujours !
Quel plaisir de lire ce roman malicieux, érudit, passionnant, plein d'esprit et d'humour et tellement, oui, tellement original : au-delà de son petit côté protéiforme (mails, chronique de presse, article universitaire, journal intime…) et de sa réflexion centrée sur la création, le langage et le rapport étroit entre l'écriture et la vie, il joue subtilement, délicieusement, avec les mises en abyme, les effets d'écho, les registres de langue, les figures de style (ah, la métalepse!)… Jeux de masques, de rôles, de mots et de miroir, de vérité et de mensonge qui nourrissent un dispositif narratif hors pair… Tout est faux : les statues du parc de la villa Médicis, le discours que l'on produit et que l'on adapte hypocritement au destinataire que l'on cherche à séduire et à tromper. Jeu dangereux lorsqu'il s'empare du vrai… « Un drame se joue et nous n'en voyons rien » commente P.O.L au sujet d'un article d'Ottavio. Il faut toujours être prudent avec les mots, on ne sait jamais où ils mènent...
Un texte brillant qui, somme toute, à travers ruses et manipulations, intrigues et manigances, leurres, fausses pistes, s'apparente à une réécriture moderne des Liaisons dangereuses et n'est peut-être pas sans rappeler l'univers rohmérien...
Croyez-moi, il mérite VRAIMENT d'être lu...
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