Mon premier contact avec l'oeuvre de Priest fut décevant. J'avais choisi "Le Monde Inverti" devant les bonnes critiques et en était ressorti avec l'impression que Priest avait un certain talent mais que tout son roman fonctionnait sur un concept attrayant (une cité mouvante sur rails) mais qui finissait par se dégonfler dans une explication fumeuse et un poil malhonnête.
Refusant de rester sur une mauvaise impression sur la base d'un seul roman, je décidais de retenter le coup avec une oeuvre moins populaire et plus singulière, n'étant pas du genre à être effrayé par la complexité ou l'originalité.
Peter Sinclair à la trentaine, vit à Londres et traverse une mauvaise passe : son père vient de mourir, il vient de perdre son boulot et en plus, il vient de rompre avec sa copine. Heureusement, sa rencontre avec un ancien ami de son père lui offre l'opportunité de temporiser et de se ressaisir. Réfugié dans un cottage à la campagne, Peter décide d'écrire son autobiographie. Mais devant l'aspect traître de la mémoire et la difficulté de raconter la vérité, il décide alors de se tourner vers la fiction comme un révélateur d'une vérité plus pure. Le voilà qui invente un monde en guerre, dans lequel l'Archipel du Rêve constitue un îlot de calme et d'exotisme. Dans ce monde imaginaire, Peter a gagné le gros lot à la loterie Collago, qui offre l'immortalité. Mais bien vite, les deux mondes se mélangent, réalité et fiction s'entremêlent, au point que ni Peter, ni le lecteur ne parviennent à différencier ce qui est vrai de ce qui ne l'est pas.
La Fontaine Pétrifiante est un livre dense. Un peu trop pour son propre bien. Christiopher Priest disserte sur beaucoup de thèmes : la vérité, la réalité, la fiction, la mémoire, le travail d'écriture, l'immortalité, l'aliénation urbaine, le contact avec la nature... Tout ça sur un peu moins de 400 pages. Et Priest semble plutôt être un intellectuel, un philosophe plutôt qu'un auteur de SF. Ce qui n'est pas un reproche : après tout, le genre se prête bien à des réflexions sur diverses sujets. Sauf qu'à multiplier les pistes de réflexion, l'auteur s'égare, lasse, embrouille et finit par sombrer dans la superficialité.
D'ailleurs, vient un moment où tout ça cesse d'être des réflexions plus ou moins intéressantes pour devenir de l'enculage de mouche : le personnage principal finit par passer son temps à décortiquer en long, en large et en travers la moindre action des gens avec qui il est en contact, par suranalyser tout et n'importe quoi, à tel point que plus on avance et plus les personnages, déjà assez antipathiques de base, finissent par devenir franchement agaçants et pénibles. Et la conséquence de cette fâcheuse tendance, c'est que le roman est très froid, on ne parvient jamais à avoir de l'empathie pour ses personnages, Priest passant plus de temps à réfléchir sur tour et n'importe quoi qu'à donner de la consistance à son intrigue ou à ses protagonistes, d'autant plus que ce qui arrive à Peter Sinclair n'est pas très passionnant en fin de compte et tourne surtout autour de la fille qu'il aime et qui ne semble pas plus stable que lui sur le plan psychologique. Ni plus mature d'ailleurs : arrivé au 3/4 du bouquin, tout ça tourne en rond, les personnages donne surtout l'impression de se répandre en jérémiades émo, ce qui rend l'ensemble encore plus irritant et m'avait poussé à m'arrêter en cours de route lors de mes deux premières tentatives de lecture.
Pour couronner le tout, sur son dernier quart, en entremêlant de plus en plus les deux mondes, le roman s'embrouille plus qu'autre chose jusqu'à se terminer de façon très malhonnête, dans une espèce de métaphore grossière.
Christopher Priest est sûrement un auteur avec un certain talent, mais c'est aussi un romancier un poil trop roublard et prétentieux, qui semble fonctionner sur des concepts qu'il enrobe d'un vague bla-bla philosophique pour essayer de masquer leurs limites. La Fontaine Pétrifiante ne m'a toujours pas convaincu et j'en suis toujours à me demander si Priest n'est pas une belle arnaque. Peut être qu'un prochain roman permettra d'éclaircir mes doutes...