Un très grand roman policier, dans la lignée des 3 tomes précédents (première "trilogie Sadorski").
Naturellement pour lire et apprécier ce livre, il faut être prêt à suivre les agissements et pensées d'un policier qui n'a pas grand chose pour plaire : il a tout d'un beau salopard, multiplie les coups bas, recourt à la violence, à l'intimidation, au chantage ; tout cela au service de ses intérêts, de ses pulsions, de ses fantasmes ; il n'a guère de scrupules à accomplir les plus basses besognes.
Il convient également de ne pas être trop effrayé par les descriptions parfois très précises et difficilement soutenables de la réalité de l'Occupation. Romain Slocombe n'hésite pas à détailler les méthodes de la Gestapo (allemande et française), et celles de la police et gendarmerie française (largement actives dans la persécution des juifs rappelons-le), y compris dans les séances de tortures morales ou physiques, mais aussi dans tout ce "quotidien" de l'époque marqué par les contrôles, les tracasseries administratives, les privations, les intimidations.
Une fois passés ces "caps", on peut profiter du très grand talent de l'auteur pour nous plonger dans ces années noires. On y croise beaucoup de "sensibilités" différentes, les collaborateurs bien sûr, mais aussi les résistants (gaullistes, communistes), et les quidams moyens qui tentent de survivre. D'ailleurs, Sadorski lui même n'est pas un personnage manichéen : il est certes pétainiste et antisémite, mais n'aime pas les allemands et se démarque de ses collègues les plus pro-nazis.
Tout cela est très documenté et la lecture de ce tome (comme celle des précédents) est fort instructive. On y apprend beaucoup, par exemple sur les protagonistes de la fameuse "affiche rouge", la production cinématographique et musicale française des années 40, les grands événements de la guerre (troisième bataille de Kharhov...).
Je dois dire qu'en dépit de ses actes, parfois particulièrement odieux, Sadorski peut aussi être sympathique, par sa capacité à anticiper et gérer les mauvais coups, son cynisme extrême, et aussi pour ses "bons moments" qu'il lui arrive d'avoir.
Et puis, rien que pour suivre un héros si antipathique et à contre-courant de nos certitudes morales de citoyen du XXIe siècle, ce roman vaut le détour.