C'est sans conteste l'une des couvertures les plus accrocheuses de la série que nous livre ici David Martin, dynamique et colorée. Certes, ce duel entre un Transformer et un tyrannosaure pourrait tout aussi bien être le résultat d'une étude de marché menée auprès d'un panel représentatif des petits garçons âgés de 6 à 10 ans au premier trimestre 1986, mais il est difficile de nier son efficacité : merde, c'est un PUTAIN DE TRANSFORMER qui se bat avec un PUTAIN DE T-REX ! Du bonbon pour les yeux. Mais qu'en est-il de l'intérieur du livre ? Les promesses de la couverture sont-elles tenues par ce troisième et dernier opus de Steve Jackson l'Américain ? Pour un 6-10 ans, je dirais oui, mais pour les âges au-dessus, ça se discute.
La Thoronie est un pays tropical paisible, avec ses jungles remplies de dinosaures et ses villes ultra-spécialisées dont la logistique me laisse perplexe : les usines sont dans une ville, les loisirs dans une autre et les églises dans une troisième, ça veut dire que si je veux aller à la salle d'arcade après la messe au terme d'une longue journée de travail, je dois prévoir trois trajets Intercités ? Mais passons. La Thoronie a pour voisins les Kalazariens, un peuple violent et méchant qui jalouse ses richesses et ne rêve que de s'en emparer ; je présume qu'ils sentent aussi de la bouche et qu'ils aiment voler les sucettes des enfants dans la rue. L'aventure débute avec une invasion kalazarienne de la Thoronie, facilitée par une terrible épidémie de maladie du sommeil qui a frappé tous les Thoroniens à l'exception du héros, un brave éleveur de dinosaures de la pampa. C'est donc seul qu'il va devoir bouter les Kalazariens hors de Thoronie !
Le prétexte est facile, certes, et on ne saura jamais vraiment pourquoi le héros est le seul à ne pas avoir succombé au sommeil (l'introduction semble impliquer que c'est notre choix de petit déjeuner qui en a décidé, mais ça semble un peu grossier !). Enfin, ce n'est que le point de départ, et les Démons des Profondeurs nous avait montré qu'un prétexte facile pouvait donner lieu à une chouette aventure. Du côté des bons points, Jackson reste attaché aux structures peu linéaires de ses précédents livres : on peut se balader d'une ville à l'autre sans trop d'entraves, et chaque ville est constituée d'un certain nombre de lieux à explorer librement. Il existe trois manières différentes de chasser les Kalazariens, certaines plus alambiquées que d'autres, mais toutes nécessitent de mener des recherches approfondies dans des centres de recherche, des musées, des hôpitaux et autres jungles profondes. Et puis, bien sûr, il y a les robots : Jackson en offre une belle variété, du robot cow-boy au robot de guerre au robot-taxi au robot transformable, chacun avec ses points forts et ses points faibles, et il y a suffisamment de combats (avec des dinosaures, oui ! mais pas seulement) pour que le choix ne soit pas vain. Dans l'ensemble, la difficulté est bien dosée, en tout cas autant qu'il est possible de le faire avec le système profondément bancal de la série, et les choix sont rarement punitifs de manière arbitraire.
Là où ce livre m'a déçu, c'est du côté de l'atmosphère générale. La Thoronie n'offre guère de lieux vraiment marquants, et le postulat de départ ne permet guère de rencontres mémorables : tous les concitoyens du héros roupillent, les envahisseurs ne sont là que pour être expédiés ad patres et les dinosaures ont une conversation assez limitée. Ni le style laconique de Jackson, ni les illustrations plutôt fades de Gary Mayes n'arrivent à réellement donner vie aux cités qu'on traverse, et c'est bien dommage. Entre les mains d'un meilleur écrivain, on aurait sans doute tenu là le meilleur Défis Fantastiques de science-fiction, et de loin ; dans l'état des choses, il se tire la bourre avec la Planète rebelle, qui était bien moins satisfaisant en termes de jeu mais beaucoup plus marquant en tant que littérature.