Peter F. Hamilton représente la science-fiction telle que je l'aime. Il décrit un monde futuriste réaliste, cohérent avec notre monde actuel, et avec des détails à foison. Au fil de romans souvent longs (cette Grande route du Nord fait son bon millier de pages, et c'est un des romans les plus courts), il nous plonge dans des univers entiers qu'il fait vivre grâce à une foule de personnages secondaires. Ainsi, dans ce roman, l'humanité a forcément colonisé des systèmes lointains, mais finalement cette dispersion humaine ne fait que renforcer la victoire d'un capitalisme carnassier. Les nouvelles planètes habitées par l'homme constituent de nouveaux territoires à exploiter et que l'on peut polluer à l'envi. Et l'économie mondiale, après avoir épuisé les réserves de pétroles (ce n'est pas dit mais on le devine facilement) en vient à dépendre uniquement d'un biocarburant produit à partir d'algues sur une planète lointaine, Saint-Libra, dans le système de Sirius (comme chacun le sait). L'histoire de la terre est secouée par de nombreuses crises économiques qui ne sont pas sans rappeler les crises pétrolières dans années 70, et qui ont mis en place une forme d'oligarchie qui contrôle le biocarburant, le Cartel, dominé par la famille North, trois frères clones ultra-richissimes.
Peter F. Hamilton adore le mélange des genres. L'Aube de la nuit, son cycle le plus ambitieux à ce jour, mêle astucieusement SF et horreur, avec une histoire de morts-vivants qui envahissent l'univers. La Grande route du Nord, quant à elle, se dirige vers le polar et le roman d'aventures. Deux actions se déroulent en parallèle : une enquête policière sur Terre, à Newcastle pour être précis, autour du meurtre d'un des membre de cette famille North ultra-puissante. Et une histoire d'aventures, une expédition sur Saint-Libra, planète dénuée de toute forme de vie animale (pas même la moindre petite bactérie) mais constituée d'une immense jungle luxuriante et dangereuse.
L'alternance des chapitres (des chapitres toujours longs, comme d'habitude chez Hamilton, qui sont des chapitres journaliers) permet de passer d'une histoire à l'autre, et l'imaginaire foisonnant de l'écrivain nous entraîne dans des révélations stupéfiantes et des rebondissements d'ordre cosmique. Malgré un rythme lent (qui constitue sans doute le seul défaut majeur du roman, et de l'oeuvre de Hamilton en général), La Grande route du Nord est passionnant jusqu'à la fin.