Leo Perutz, auteur autrichien du XXème siecle nous peint tout au long de ce roman puzzle de 14 tableaux, le portrait onirique de la Prague du début du XVIIème siècle, avec ses alchimistes, saltimbanques, scientifiques, rabbins aux pouvoirs mystiques et autres empereurs mélancoliques.
La force de ce récit est d'entremêler de manière cohérente la reconstitution historique fidèle d'un lieu et d'une époque baroque au récit merveilleux sans que jamais l'un ne prenne le dessus sur l'autre, un peu à la manière d'un Garcia Márquez.
Le tout est assemblé sous la forme d'un roman puzzle où les 14 chapitres semblent conter des histoires indépendantes tel un recueil de nouvelles : à chaque chapitre sa temporalité et sa galerie de personnages hauts en couleurs. Ce n'est qu'en progressant dans le récit que l'énigme posée au début du roman se résout petit à petit pour se révéler au lecteur dans un final magnifique.
Tout cet ensemble cohérent est servi par un style riche mais pas pesant, prenant son temps afin d'établir un cadre tangible. De nombreux noms, lieux et personnages historiques sont cités (à commencer par l'Empereur Rodolphe II ou le richissime juif Mordechai Meisl). Prague est là ! On s'imagine se perdre dans les dédales du quartier juif, on est prit de compassion pour Kepler, réduit à faire de l'astrologie pour subvenir à ses besoins et puis l'on se demande la raison pour laquel Mordechai Meisl dilapide sa fortune à l'orée de sa mort.
Il s'agit là d'un roman magique, trop méconnu qui à la façon d'un conte, trouve sa façon de résonner en chacun de nous.