L’art brut des pêcheurs de Chine
Le printemps sonne à notre porte. Déjà des arbres fleurissent, le soleil s'attarde un peu plus, les heures sombres semblent loin. C'est par cette après-midi, que j'ai eu envie de me plonger dans une découverte récente qui m'a fait bondir le cœur de joie : les artistes de la région de Zoushan en Chine.
Pour la parisienne que je suis, il faut d'abord situer cet endroit. La particularité de Zhoushan (舟山) c'est qu'il s'agit d'une ville-préfecture composée exclusivement d'îles. Elle se situe dans la baie de Hangzhou (au nord-est de la province du Zhejiang).
La baie de Hangzhou (杭州湾) est une grande baie de la mer de Chine orientale située au sud de Shanghai et dans laquelle se jette le Qiantang. Aujourd'hui un pont relie les deux rives de la baie, il trace un trait entre Shanghai et Ningbo. Les voitures, les camions peuvent emprunter ce pont à haubans et le parcourir sur cent vingt kilomètres. En faisant quelques recherches, j'ai découvert qu'à certaines saisons, d'intrépides surfeurs se jouent des vagues et défient l'apesanteur. Tel est le contexte moderne de Zhoushan. Mais comme de nombreux endroits en Chine, il faut s'attarder à chercher les mystères de ce lieu. Ici c'est l'art. Depuis des siècles, les pêcheurs de ces lieux ont développé une pratique artistique. Une peinture brute qui évoque leurs travaux, leurs visions du monde, la douceur brute des vagues. Dans sa préface le professeur Dong Qiang cite Paul Valéry « la mer, la mer, toujours la mer ». C'est une fabuleuse entrée en matière pour ce livre intitulé La peinture des Pêcheurs de Zhoushan en Chine.
La mer a toujours été là, seul change le mouvement des hommes. Pourtant siècles après siècles, la transmission des gestes, des histoires et des légendes s'est opérée. Magie des formes sans aucun doute. Dans La Peinture des Pêcheurs de Zhoushan, il y a une odeur de sel, une joie d'écume. Les barques ont des allures de poisson des mers lointaines.
Cependant, il ne faut pas s'arrêter à cette lecture quasi simpliste. Il nous faut, comme le professeur Dong Qiang, nous devons nous rendre au cœur des œuvres, à leur envers. Il écrit « une vision animiste traverse souvent ces peintures, tout comme une attention accrue vouée au temps : le lever du soleil, le coucher du soleil, reflétant ainsi une observation minutieuse du ciel liée à la nécessité de la vie marine ».
Ne nous méprenons pas, sous des traits « naïfs » il y a mille et une histoires, mille et une visions qui ont traversé ce siècle.
Elles poursuivent leur chemin, elles nous éclairent à la lumière du portrait du « vieux pêcheur » de Wu Xiaofei.
« La bonne saison » de Xu Lu se joue de nos habitudes, le poisson est abondant et les pêcheurs se jouent de leurs filets en une chorégraphie somptueuse baignée de rouge et d'or. « La Romance des villages de pêche » de Sun Yan est une longue sérénité qui parcourt les ruelles et fait résonner en écho la blancheur des maisons.
Nous pouvons classer ces œuvres dans l'art brut, car elles sonnent comme une invention primaire, primordiale qui se transmet de génération en génération. Ce livre publié par les éditions Horizon Oriental nous permet en un clin d'œil de saisir toute l'histoire de cet endroit, de filer avec les pêcheurs sous un coin de soleil, de partager le poisson. Cet univers si vif, si coloré nous invite au voyage, au partage, à la douceur de vivre quelle que soit l'époque où nous les regardons.
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