La Solitude du docteur March par Nina in the rain
Qui ne s'est posé la question, en lisant les Quatre filles du docteur March, de ce qui pouvait bien arriver au père parti à la guerre pendant que ses « petites femmes » jouaient sagement de l'aiguille ? La question semble suffisamment universelle pour qu'un roman y répondant reçoive le prix Pulitzer de la fiction en 2006. Répondons dès maintenant aux plus curieux d'entre vous : il était à la guerre, comme il est dit au début du roman, en temps qu'aumônier dans l'armée nordiste. C'est un abolitionniste convaincu, et un croyant sincère, mais ses convictions seront ébranlées par la brutalité des champs de bataille.
Le thème du bon soldat qui se rend petit à petit compte de l'inanité de la guerre est plutôt rebattu, on pourrait citer des dizaines de titres à ce propos. Mais le traitement appliqué par Geraldine Brooks à la guerre de Sécession et à l'idéalisme des soldats est assez surprenant venant d'un auteur anglo-saxon. On a plus l'habitude de lire des odes à nos « braves gars » que ce genre d'attaque en règle contre le militarisme, de quelque camp qu'il soit. Bien sûr, les Sudistes sont plus méchants que les Nordistes. Mais la mécanique de ce roman qui cherche à dire que tous les hommes sont des monstres en temps de guerre montre que, même avec un thème usé jusqu'à la trame, on peut encore surprendre et, pourquoi pas, émouvoir.
Geraldine Brooks avait déjà montré son talent à prendre le monde à rebrousse-poil dans le Livre d'Hanna (paru en 2008 aux Etats-Unis et en France, alors que « March » est paru en 2006 aux USA et en 2010 chez nous), où elle montrait une jeune restauratrice de livres aux prises avec le monde entier pour sauver un livre, et finalement montrer qu'il existait sur Terre des hommes et femmes de bonne volonté prêts à s'entraider pour sauver le patrimoine de l'humanité.
Même si les conclusions de ses romans paraissent téléphonées, Geraldine Brooks montre un vrai talent de conteuse qui fait de ses romans de vrais « page-turners » dont les péripéties bien plantées surprennent et touchent le lecteur. Pour cette fois, ne boudons pas notre plaisir et profitons de cette littérature à la fois bien écrite et « facile à lire » !