Tacarel, jeune architecte, a pour maîtresse une femme mariée, Aglaé Garambois, à qui il rend visite chaque jour. Mais, afin de savoir si le mari d'Aglaé est bien absent, il a imaginé un stratagème : chaque jour il rend également visite à une veuve d'une quarantaine d'années, Mme Champbaudet, qui vit un étage en-dessous des Garambois, sous le fallacieux prétexte de faire construite un mausolée pour son défunt mari. Pendant qu'il discute quotidiennement avec elle ce projet dont il n'a cure, il envoie des signaux à Aglaé, qui lui répond, toujours en signaux "Mon mari est là", ou bien "Mon mari s'est absenté, monte". D'où le titre de la pièce : les visites de Tacarel à Mme Champbaudet ne sont qu'une "station". Or, la veuve se méprend sur les intentions du jeune Tacarel... Là-dessus, un ami de Tacarel, qui cherche à le marier, lui dégote un rendez-vous chez le rentier Letrinquier, afin qu'il rencontre sa fille Caroline et officialise le plus vite possible des fiançailles. Adieu, donc, Mme Champbaudet et Aglaé ! Sauf que les choses se compliquent un peu.


C'est bien construit, et les éléments du vaudeville ne manquent pas à l'appel, à commencer par les leitmotiv que constituent certaines répliques et autres astuces. Ça n'est pas à se tordre de rire pour autant, ça n'est pas d'une énorme originalité, mais ça tient bien la route. D'autant que les auteurs ont, à l'habitude de Labiche, caricaturé les personnages de bourgeois, de Letrinquier qui cherche à étaler une culture de pacotille pour impressionner Tacarel via sa fille (il lui a fait apprendre des dates, des noms de villes, tout un tas de choses absurdes), à Mme Champbaudet, peu généreuse avec son argent et qui cherche à faire bonne impression avec un mobilier acheté pour pas cher (comme le faisaient les bourgeois du Second Empire, qui cherchaient à imiter l'ébène avec des chaises en poirier noirci ou le cuivre avec des pièces d'étain sur les commodes et autre mobilier), en passant par Tacarel, qui ne cherche que son profit, qu'il soit pécuniaire ou charnel, et se soucie peu de savoir si sa fiancée a la tête bien faite, du moment qu’elle possède un joli minois.


Le tout se révèle finalement bien cruel pour la pauvre Mme Champbaudet, utilisée, manipulée, exploitée, pressée comme un citron par Tacarel jusqu'au dernier moment, et se voyant contrainte, dans sa naïveté et son désir de retrouver l'amour, d’épouser un homme qui ne lui plaît absolument pas. Une parfaite conclusion pour dépeindre la société bourgeoise de l'époque et la condition des femmes.

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le 19 juin 2018

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