La chaste vie de Jean Genet

Résumé : " On dit que plus un rosier souffre et plus il donne de belles roses. Les jardiniers le savent, qui en plantant cet arbuste lui flanquent rituellement quelques coups, du plat de la pelle. Ainsi en était-il de Genet : chaque heure de souffrance à Mettray, pinçant les cordes de ses nerfs, faisait croître son génie. Bientôt il tirera lui-même de son désespoir, comme d'une harpe merveilleuse, les sons mélodieux du malheur. "Extrait du livre :Alligny-en-MorvanL'angelot maudit arriva à Alligny-en-Morvan le dimanche 30 juillet 19U. Le ciel était d'un bleu immaculé. ÿ la sortie de la messe sa mère nourricière, Eugénie Régnier, le prit dans ses bras. Un abruti plaqua grossièrement sur la petite coquille pâle de son visage la galette d'un béret noir. Au fond de ses yeux clairs une ombre imperceptible prit place, fine pointe d'acier du ressentiment. Personne n'y prêta attention, ignorant que ce sont les plus délicats chagrins d'en­fant qui engendrent les révolutionnaires les plus dangereux.Charles Régnier exerçait le métier évangélique de menuisier. La maison abritait sa progéniture, Berthe et Georges, ainsi que Lucie, pupille de l'Assistance publique qui devait bientôt être placée dans une ferme en tant que bonne à tout faire. Le petit Jean venait compenser cette perte financière. C'était à un vrai trafic de nourrissons que se livraient les paysans morvandiaux. Cette population d'anges donnait à la sauvagerie des forêts un surcroît de beauté. Ces innocents faisaient prospérer des brutes dans les veines desquelles, comme dans celles de leurs porcs et de leurs vaches, coulait la bouillie rouge d'un sang abandonné par l'esprit.L'enfant pleura dix nuits. ÿ la onzième nuit, sentant entre sa mère et lui une muraille plus haute que la mort, il se tut. Dans la pénombre, le poupon emmailloté donnait maintenant sa lumière épuisée de