La faux soyeuse fossoyeuse, c’est la drogue. Pas le bédo à fumer entre potes pour se détendre… non, la vraie merde qui te colle aux veines et au cœur, qui t’enfonce un peu plus chaque jour dans les domaines de la défonce, de la magouille pour trouver un plan fric, un plan drogue et un plan squat, mais pas forcément dans cet ordre.


C’est cet univers qu’Eric Maravélias dépeint et dénonce à travers un regard lucide et sans concession d’ancien toxico. Mi documentaire, mi autobiographie, mi fiction, mi poème épique, « la faux soyeuse » est un peut tout cela et montre toute l’ambivalence de la drogue dure qui dans un même mouvement réussit le tour de force de sublimer les actes les plus glauques et les plus vils et de salir les plus belles histoires quand bien même seraient-elles d’amour qui finissent, forcément, mal.


Le roman se situe en 1999 et le narrateur, Franck, toxico parmi les toxico, fait des allers-retours entre cette période de déchéance totale voire fatale et celle pas forcément plus glorieuse d’ « avant », au début de l’arrivée de la dope quand l’argent sale récolté de petits braquages ou de la revente servait à profiter de la vie avant que ce ne soit à la mort d’en profiter.


C’est du brutal, ce roman, du « prend ça dans ta gueule parce que c’est comme ça que ça marchait », du temps où le trafic de drogue ne se faisait pas encore en col blanc. Il faut voir ces passages où Franck – Eckel pour les intimes – à défaut de choper une veine au niveau du bras se fait son injection dans le sexe, où le manque est tel que la proximité d’une dose suffit à mettre le toxico en vrille, où les potes – si tant est qu’on peut appeler cela des potes – disparaissent un à un, méticuleusement, avec la régularité d’un métronome, où les seuls plans pour trouver de la dope c’est d’en fourguer soi-même ou de sombrer dans un espèce de grand banditisme de banlieue pathétique fait de braquages de maison, de personnes ou de pharmacies.


Le style d’Eric Maravélias épouse cette ambivalence. Il se fait tour à tour tragiquement factuel quand il s’agit de se piquer puis poétiquement lyrique quand il s’agit d’aborder l’histoire de Franck et Carole. Encore du Noir y a vu un peu de mièvrerie (voir ici). Soit. Je ne partage toutefois pas totalement son point de vue. D’autant plus que j’ai lu des poèmes d’Eric Maravélias avant de lire son livre et que cet « exercice » semble être naturel chez l’auteur. Cet attrait pour la poésie se retrouve ainsi plutôt naturellement dans l’écriture d’Eric Maravélias et accorde au lecteur quelques respirations dans un texte par ailleurs marqué par la noirceur des âmes et des sentiments humains sous l’emprise de la dope.


Ce roman est une vraie découverte, un vrai brûlot qui revient sur des années certes assez éloignées et ne collent peut-être plus à une réalité aujourd’hui à des années lumières de ce qu’a connu Eric Maravélias où les drogues ne s’injectent plus mais se prennent sous forme de cachet. La course à la dope et au fric doit cependant rester la même priorité quel que soit le produit recherché.


Je ne peux donc que conseiller la lecture de ce roman.


« Si Judith ne devait prendre qu’une seule gélule le matin, son frangin, Maxime, s’est octroyé d’office une posologie à faire jacter les carpes. »


« Et d’bord, la mort n’existe pas, à cet âge. Seule la vie compte. Celle qu’on touche, qu’on goûte, explore et explose. La mort ? Les junkies sont ses esclaves consentants. La mort ? Une fable. La mort ? Une délivrance. Vivre est autrement plus difficile. »


« Dealer de sommeil, voilà ce qu’il est. Si les enculés avaient des ailes, il serait chef d’escadrille. »

Ga_Roupe
8
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le 31 mars 2015

Critique lue 607 fois

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Ga Roupe

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La faux soyeuse
lk62
8

Serie noire "Dope option"

Un roman noir sur la dope en banlieue crédible et percutant, une écriture sèche et puissante ,des situations réalistes; une vrai descente au scalpel dans l'enfer de la came, Un auteur est né .

Par

le 13 juil. 2014

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La faux soyeuse
Zilow973
2

Intéressant mais dur à encaisser

Lecture par hasard de ce livre. Très noir. À part connaître la vie d'un camé, je n'ai pas bien saisi l'utilité de ce livre. Je ne recommande pas pour ma part.

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