La femme nue est un long monologue (mais un court roman – à peine cent pages) où Anna raconte à Vale, sa meilleure amie, les douze mois qui ont suivi sa rupture d’avec Davide ; une année entière de dérive où la jeune femme a touché le fond, n’arrivant pas à faire le deuil de cette relation qui s’est insensiblement délitée jusqu’à voler en éclats au bout de cinq ans. Angoissée, amaigrie, irrationnelle et ayant sombré dans les affres du désespoir, Anna s’est laissée avilir par le besoin incoercible de comprendre et de savoir – savoir ce que faisait Davide à présent qu’ils n’étaient plus ensemble et, surtout, avec qui. Ce désir impérieux et cet avilissement ont révélé en elle des comportements peu avouables sur lesquels elle se retourne sans complaisance.
A l’heure des réseaux sociaux rois, une séparation peut rapidement devenir une véritable torture : si peu que notre ex ne nous bloque pas, il est aisé de voir ce qu’il/elle fait et surtout, ce qui peut s’avérer des plus douloureux, avec qui. Un simple clic suffit. Pas le meilleur moyen pour tourner la page… Les années 90 – que je bénis, grand nostalgique que je suis – avaient cela de bien que lorsque l’on se faisait larguer, il nous était impossible d’espionner notre ex (sauf à le/la prendre en filature dans la rue, ce qui relève déjà de la pathologie grave). Pas d’autre choix alors que de regarder devant soi, et non derrière. L’oubli pouvait prendre du temps, certes, mais il n’y avait alors pas le supplice de voir la vie de la personne qui nous avait quitté(e) et d’en souffrir.
C’est un peu cela que raconte, avec talent, Elena Stancanelli (auteure italienne, comme son patronyme le laisse entendre) dans ce roman : le côté obscur des réseaux sociaux, en même temps que la douleur inhérente à une séparation. Son récit est déroutant mais non dénué d’intérêt et de grâce, même dans sa crudité.