Après la formidable trilogie -pour le moment- d'Olivier Truc, voici un autre roman lapon. Cette fois-ci écrit par un Suédois qui est tombé sous le charme de Kautokeino, localité tout au nord de la Norvège, et qui y passe ses hivers. C'est un roman lent. Très lent. Tout est blanc, gelé, on frôle parfois les moins cinquante degrés, et lorsque la température s'approche des moins dix, c'est que la météo est clémente. La première remarque qui vient à l'esprit est que l'auteur nous décrit beaucoup les différents parcours en voiture ou en scooter des neiges des différents personnages, Anna en particulier. D'où une certaine sensation de répétition, d'histoire qui tourne en rond et d'enquête qui fait du surplace. En outre, Lars Pettersson ne décrit pas les us et coutumes des Sames par des grands paragraphes. On peut donc ressentir une lassitude certaine et un ennui à la lecture, mais ce ne fut pas mon cas. En fait, Lars Pettersson est très habile et tisse son roman avec des fils visibles et invisibles. Il parle beaucoup des spécificités de la langue same et des paroles prononcées ou pas : "C'était ma mère qui m'avait appris cela. Ce que l'on taisait avait plus de poids que ce dont on parlait tout le temps. Il fallait apprendre à déchiffrer ce qui n'était pas dit. L'art de la conversation consistait à comprendre ce qui se cachait derrière les paroles que l'on prononçait réellement. Une vie en sous-texte." (p.71) Il construit son ouvrage de la même manière, le non-dit étant important. Il faut lire entre les lignes, rassembler les bribes d'informations semées de-ci de-là pour comprendre. Plus on avance dans l'histoire plus on intègre le truc et plus on comprend le mode de vie des Sames.
C'est très difficile pour Anna de revenir, elle est mal acceptée, sa mère ayant quitté la communauté depuis longtemps, tout ramène les habitants à elle et non pas à Anna qui reçoit et subit les reproches et les jalousies. Les Sames sont soudés, ils se connaissent tous. Les vieilles familles vivent de l'élevage des rennes sur des terres qu'ils sont les seuls à pouvoir exploiter. Mais si certains continuent l'élevage traditionnel avec peu de têtes, d'autres ont considérablement augmenté leurs cheptels et lorgnent sur les terres de ces familles, n'hésitant pas à s'accaparer des bêtes et tout faire pour couler l'adversaire. La société same qui semble si calme est en fait totalement bousculée par les notions de rendement, de richesse et par l'appât du gain. Les conflits d'intérêt sont légion mais comme les Sames se méfient des lois norvégiennes, ils préfèrent régler ça entre eux. C'est ce monde là que va découvrir -et nous faire découvrir- Anna. Elle va petit à petit trouver des indices qui la mèneront à soupçonner pas mal de monde. Elle va apprendre à connaître sa famille, tout un pan de son histoire personnelle.
C'est aussi un roman sur la condition féminine dans des sociétés où elles ne sont pas reconnues, même si de fait, ce sont elles qui les font tourner. Ajoutons à cela une nature somptueuse, blanche, silencieuse, les aurores boréales, ... et vous aurez toutes les bonnes raisons de jeter un œil attentif à La loi des Sames, un polar assez loin des clichés du genre.