La pensée hiérarchique et l'évolution

Résumé : Ce livre aura déjà rempli une partie de son rôle s'il ne sert qu'à rétablir la vérité sur le Darwinisme, face à tout ce que la pensée hiérarchique de l'Occident libéral s'autorise à faire dériver de lui. S'il ne sert qu'à frapper d'ineptie tous les discours passés et présents (les mêmes) qui ont fait surgir de son texte fractionné et de sa logique trahie un puissant simulacre d'argumentation en faveur du maintien d'un ordre inégalitaire - entre les races, les cultures, les classes, les valeurs et les mérites -, ordre dont ils entendent ainsi prouver la naturalité. Elément d'une défense intégriste du libéralisme, la sociologie évolutionniste de Spencer se sert du Darwinisme comme s'en sert, avec l'appoint de la génétique moderne, la « sociobiologie » contemporaine : pour le plier aux exigences d'une idéologie hiérarchique déjà présente dans les domaines de l'ethnologie, de la sociologie et de la politique. Et cela, sans apercevoir ce qui dès Darwin détruit la légitimité d'un tel geste : entièrement développée et comprise dans sa logique, la théorie de la sélection naturelle comporte en effet en elle-même l'annulation sans appel de toute dérive sociobiologique. Ce livre aura fait davantage s'il parvient à montrer qu'en fait comme en droit, aucune idéologie ne peut « naître » d'une science; que l'idéologie ne peut « naître » que de l'idéologie; que le discours positif d'une science est une logique, en aucun cas un texte : le travail de l'idéologie est de manipuler le texte pour dissimuler (ou travestir) la logique. Celui de l'épistémologie, de faire le tri. L'analyse des complexes discursifs, fondée par ce livre, met au jour l'hypothèse de la structure réitérative des grandes idéologies para-scientifiques. A travers un parcours immense au sein duquel les sciences biologiques et humaines trouvent leur véritable articulation, elle soumet l'ancienne « histoire des idées» à la rigueur d'une théorisation nouvelle.