Je n'ai pas très bien compris où voulait en venir l'auteur. À première vue, il s'agit de raconter des souvenirs liés à l'enfance, et notamment de parler de son grand-père. Donc, c'est par là que commence le livre de Xu Lu, évoquant son enfance passée avec ses grands-parents et, en particulier, un petit objet que possédait son grand-père, une poudrière ; on comprend immédiatement que cette poudrière, c'est la métaphore d'un monde qui a disparu avec la génération des grands-parents de Xu Lu.


Là-dessus, ne voilà-t-il pas que Xu Lu décide de transformer le récit, sans aucune cohérence, en conte moral, avec des animaux comme personnages. On verra donc un petit renard voler la fameuse poudrière, faire des sottises avec pour finalement foutre le feu à la forêt. Oui, mais alors bon, foutre le feu à une forêt, finalement, c'est pas si grave (un seul blessé sérieux parmi les animaux), et c'est surtout beaucoup moins grave de jouer avec le feu que de voler un objet auquel tient quelqu'un. On notera donc que la mère du renardeau engueule son fils parce qu'il a volé la poudrière du grand-père de Xu Lu (un peu pour avoir foutu le feu, mais pas trop), le taxant d'ingratitude puisque le grand-père lui avait sauvé la vie lorsqu'il était bébé et perdu dans la forêt : "Ignores-tu qu'il t'a sauvé la vie, un jour ?". Ben oui, justement, le renardeau ignorait complètement ce fait, vu que maman renarde, qui est bien placée pour le savoir, ne lui a jamais raconté cette histoire... C'est clair que vu les circonstances (elle a quand même perdu son bébé dans la neige), elle avait des trucs à se reprocher, la maman renarde, et qu'elle n'avait pas forcément intérêt à révéler la chose. Mais alors, la façon dont elle retourne la situation et fait la morale à son fils, ça relève d'une admirable mauvaise foi !


Bon, cette histoire de renard et de feu à la forêt, ça n'était qu'un aparté, nous voilà repartis pour suivre les derniers jours du grand-père, obligé d'aller vivre loin de sa montagne. Vient très vite, bien trop vite, une fin qui mêle le conte et les souvenirs, puis une phrase de conclusion larmoyante.


Alors, il y avait du potentiel dans cette histoire du grand-père, qui vivait à l'ancienne, qui aimait la montagne, et dont le mode de vie a disparu. Quelque chose à la "Dersou Ouzala". Seulement voilà, tout le monde n'a pas le talent d'Akira Kurosawa (je n'ai pas lu le livre de Vladimir Arseniev). Il y avait du potentiel également dans cette histoire des relations entre un petit-fils et son grand-père aujourd'hui disparu. Mais aucune de ses deux voies n'a été véritablement exploitée, la seconde encore moins que la première. Et bon, finir avec un "Qu'ils me manquent mon grand-père et sa poudrière !", on fait mieux, hein... Quant au conte inséré au milieu de cette histoire, il est également sans intérêt puisqu'il passe à côté de l'essentiel : le côté pédagogique et de bon sens est éludé alors que bon, on ne le répétera jamais assez, jouer avec le feu, c'est hyper dangereux, quand même ; et le côté pédagogique sur le respect de la nature, qui aurait trouvé toute sa place ici, n'est pas abordé.


Restent les dessins, qui rattrapent un peu le tout. Un joli travail à l'aquarelle de la part de Zhu Chengliang, de belles couleurs chatoyantes (pour le monde de la montagne) ou plus ternes (pour évoquer le monde de la ville), avec un style qui renoue avec les dessins d'enfants, et qui nous plonge bien mieux dans leur monde que le récit. Un style qui contraste avec l'écriture, très plate, sans saveur, de Xu Lu. Les enfants s'amuseront également à retrouver le renardeau à chacune des pages, dans un petit coin, même lorsqu'il ne s'agit pas de lui dans l'histoire.


Je reste sur l'impression d'un certain gâchis, d'une part parce que l'auteur ne s'est pas foulé question style (je le répète une fois de plus, c'est pas parce que c'est un livre pour les enfants qu'il faut être moins exigeant), d'autre part, parce qu'à vouloir parler de trois sujets à la fois en peu de pages, on se retrouve avec un récit très inabouti.

Cthulie-la-Mignonne
5

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le 14 avr. 2017

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