Paul Mattick (1904-1981) est parfois connu des lecteurs francophones comme un « théoricien » du communisme de conseils ou un analyste marxiste des crises. Une traduction de sa biographie d’Anton Pannekoek était paru dans la Révolution prolétarienne en 1962. Il restait inconnu comme militant et un livre autobiographique vient à point. Mattick n’a pourtant jamais écrit d’autobiographie. Le livre se compose de deux parties. La première, passionnante, est un montage d’entretiens où l’on a ôté les questions. Laure Badier et Charles Reeve s’en expliquent clairement dans la postface. C’est la voix de Mattick qui raconte sa vie et ses luttes de son enfance en Allemagne à son départ de Chicago vers New York en 1946 : la révolution allemande, l’émigration aux États-Unis en 1926, le mouvement des chômeurs.
Dans une deuxième partie, la forme interview a été conservée pour un entretien laborieux qui vire parfois un peu au dialogue de sourds. Quelques passages y sont pourtant sympathiques, comme celui-ci :
« Nombre d’ouvriers que j’ai côtoyés possédaient de grandes qualités intellectuelles. Il était d’ailleurs surprenant de les découvrir, alors qu’ils vivaient des situations difficiles, où toute cette connaissance ne leur servait à rien. Personne ne pourra me faire croire que les ouvriers sont incapables de penser par eux-mêmes. Et pourtant, certains intellectuels continuent de l’affirmer parce qu’ils ne les acceptent pas vraiment; ils vont vers eux, mais ne les prennent pas au sérieux. »
Toute sa vie, Paul Mattick aura été un ouvrier – un « vrai », un ouvrier d’usine – , un père de famille, un militant très actif et un auteur fécond.