Descendant d’une famille florentine dont l’on retrouve les traces jusqu’à l’époque de Dante, grand spécialiste et explorateur infatigable des vastes archives de cette ville incomparable, Roberto Ridolfi (1899-1991), historien et biographe de Savonarole et de Guichardin, ne pouvait que s’intéresser plus encore à la personnalité complexe du plus célèbre Secrétaire de la République de Florence, Nicolas Machiavel.
S’appuyant essentiellement sur la vaste correspondance «officielle et familière» de celui-ci et sur une lecture attentive de l’ensemble de ses écrits si diversifiés dans leurs genres, mais aussi sur l’importante documentation de cette époque, Ridoldi dresse un portrait saisissant où nous voyons se dessiner progressivement la silhouette vivante d’un Machiavel presque familier.
« En somme, j'ai voulu tenter d'écrire ce que j'avais longtemps désiré lire : un récit clair et humain de la vie de cet homme, dans lequel on fit parler ses actions et même ses paroles. J'ajouterai que ces pages m'auraient semblé trop tristes, alors qu'elles traitent d'un poète tel que fut Machiavel, si elles avaient été étrangères à toute espèce de souffle poétique »
Ridolfi procède par petites touches progressives condensées ensuite dans l’expression. Ainsi :
« Telle dut être, par conséquent, "la leçon constante des choses anciennes" dont se nourrit Machiavel jusqu'au milieu du chemin de la vie. L'autre moitié fut occupée de préférence par une "longue expérience des choses modernes", que nous contemplerons dans les chapitres suivants. »
« Quant à lui, en revanche, comme le confirme la façon dont il est traité dans les actes publics où son nom n’est jamais accompagné du titre messere ou de sere, il ne fut ni docteur, ni notaire. »
« Ainsi que nous l'avons dit, il aima les choses plus encore que les mots et préféra la vie à la littérature. (...) Il écrivit ses œuvres lorsqu'une "longue expérience" eut fécondé cette "continuelle leçon" dont il nourrit sa jeunesse.
Sans l'expérience, cette leçon serait restée stérile et sans cette leçon il n'aurait pas été en demeure de faire ses expériences. »


Mais plus encore, des textes mêmes de Machiavel, qui restent pour certains très méconnus, il sait extraire le moment décisif, qui en dit parfois plus que de longues dissertations.
Extrait de ses Capitoli (1512) où il résume souverainement sa perception Della Fortuna:


« Que la cruelle déesse tourne cependant vers moi ses yeux féroces, et qu'elle lise ce que je chante d'elle et de son empire. Bien qu'elle siège au-dessus de tous et qu'elle commande et règne impétueusement, il faut qu'elle considère celui qui ose décrire son pouvoir. Nombreux sont ceux qui la disent toute-puissante, car quiconque naît en ce monde tôt ou tard éprouve les effets de sa force. Souvent elle maintient les bons sous ses pieds et élève les méchants : si jamais elle vous promet quelque chose, jamais elle ne maintient sa promesse. Sens dessus dessous elle met les royaumes et les États, selon son bon plaisir, et elle prive les justes des biens qu'elle a largement donnés aux méchants. Cette inconstante et changeante déesse place sur un trône les personnes indignes, où jamais ne parviennent ceux qui en sont dignes. Elle arrange le temps à sa façon, elle nous élève et nous détruit, sans pitié, sans loi ni raison. »


Ou encore dans une formule extraite de sa belle pièce « La Mandragore » (1524) qui, peut-être, exprime le mieux l’esprit machiavélien face à l’âpreté du monde :


« Je ris et mon rire ne passe pas dedans
Je brûle et ma brûlure n'apparaît pas au dehors »

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le 25 févr. 2016

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