Une chasse au sens des rêves et à la virginité des filles

Au début, ça m'a rappelé Kundera, je ne sais pas pourquoi. Aucun rapport évident entre leurs deux plumes, ni leurs sujets, sinon peut être une certaine matière de porter haut la langue pour ces deux exilés, français d'adoption qui n'écrivent pas dans leurs vocables natals, ou leur manière de s'épancher sur les femmes, mélange de recueillement charnel et de lieux-communs littéraires . Et ce côté "naturaliste" : les formules, souples et belles comme des plantes grimpantes soutiennent pourtant des personnages qui ne cachent pas leurs défauts et qui ne sont pas nécessairement attachants. C'est le cas de Muo, qui est brillant, et consacre sa vie à Freud -quitte a occuper le poste de psychanalyste itinérant bénévole en parcourant à vélo les petites villes de Chine, ce qui est adorable en soi- mais qui ne brille pas vraiment par son courage. Pleutre et suspicieux, un peu érotomane,dans le roman, il interprète une foule de rêves, il effleure des pieds nus et sales, il perd sa virginité, et il s'enfuit souvent.

Dans la littérature, on a beaucoup d'occasions d'entrer dans l'univers érotique de l'homme hétérosexuel agé d'une quarantaine d'années : la jeunesse, la virginité, la plante nacrée et recourbée des pieds, la sueur, la chevelure, sont autant de convergences sensuelles classiques et on les retrouve toutes ici, parsemées sur le voyage initiatique de Muo qui devient tardivement un homme, éprouvant la faiblesse du rêve face au monde réel, et son opacité. Ce qui le pousse a écrire : "Personne ne peut vraiment comprendre un rêve. Pas même Freud."

C'est un roman très maitrisé, celui d'un érudit et d'un esthète qui enrobe son histoire presque à la manière d'un conte, et qui brode lui même, exprès, ses petites maladresses, faisant du demi-conte un exutoire, et une vraie petite leçon de psychanalyse.