Le Désir et la Loi

Résumé : Notre époque, qui assiste à la naissance de la psychanalyse, est celle de la réussite achevée du discours du maître. Celui-ci est porteur d'une éthique du bien et des biens, mais il produit aussi une ségrégation toujours plus sévère à l'égard de ses minorités. Les fous, les toxicomanes, les délinquants et tous ceux qui ne participent pas à une compétitivité érigée en principe, posent à notre société des problèmes qu'elle résout de la même façon que celui de l'élimination des déchets, industriels ou radioactifs. La psychanalyse prend en compte ces restes, ces symptômes, non par vaine compassion pour la misère d'autrui, ce qui ferait du psychanalyste la bonne à tout faire de la psychiatrie, si ce n'est le spécialiste de la récupération des laissés-pour-compte de la civilisation triomphante. Aussi son éthique ne se réduit-elle pas à une déontologie professionnelle. Elle ne propose pas non plus une morale à vocation universelle, ce qui ferait une religion de plus. Elle se fonde sur une expérience, inaugurée par Freud, qui veille à ce que le savoir ne vienne pas faire obstacle à l'émergence de la vérité. Elle est une éthique du sujet, celui-ci n'étant pas réductible à qui s'en fait le porte-parole dans la détresse de sa folie ou, pour mieux dire, dans ce que Lacan appelait son " Des-Etre ". Jean Clavreul marque ici quelques-unes des étapes de sa trajectoire personnelle, ce qui ne peut se nommer que comme " approches ", non réductibles à la seule expérience clinique, ni à l'élaboration d'un corps doctrinal. Cela implique qu'on se refuse tout autant à une pratique qui se limiterait à un bricolage psychothérapique, qu'à la réduction du travail théorique en un " bien ", négociable sur le marché culturel.