Fiche technique

Titre original : Japan at War: An Oral History

Auteurs :

Theodore F. Cook, Haruko Taya Cook
Genre : HistoireDate de publication (pays d'origine) : 1992Langue d'origine : AnglaisParution France : 2015ISBN : 9782877068932

Résumé : La défaite du Japon lors de sa dernière guerre fut décisive et totale. Environ trois millions de Japonais ont péri dans un conflit qui embrasa pendant des années une immense partie du globe, d'Hawaï à l'Inde, de l'Alaska à l'Australie, causant la mort de millions de gens en Chine, en Asie du Sud-Est et dans les îles du Pacifique. Et pourtant que savons-nous vraiment de la guerre du Japon ? Ce qu'ont vécu individuellement les Japonais pris dans ce gigantesque conflit semble avoir été occulté par les images collectives d'une nation fanatique en guerre. A quoi ressemblait la guerre pour les soldats japonais, les marins, les ouvriers, les épouses de fermiers, les ouvrières d'usine, ou les écoliers ? Comment ont-ils survécu, comment trouvaient-ils la force de continuer, et qu'ont-ils retenu de cette terrible épreuve ? Au Japon, on professe dans l'ensemble une haine absolue de la guerre, on cultive le sentiment qu'il ne devrait plus jamais y avoir de guerre, sans qu'il soit fait aucun commentaire à ce sujet, ni qu'on essaie de comprendre pourquoi le Japon s'est retrouvé au centre de ce conflit mondial il y a plus d'un demi-siècle. Pour beaucoup de ceux que nous avons interviewés au cours de notre travail, la guerre leur était «arrivée» comme un cataclysme naturel, et elle n'avait été nullement «faite» par eux. Tous ces gens avaient sans doute vécu les moments les plus intenses de leur vie à cette époque, mais il était clair que beaucoup souhaitaient que ce qu'ils avaient vécu pendant la guerre tombe définitivement dans l'oubli. C'est lors d'une rencontre que nous avons compris pleinement le curieux statut que la Seconde Guerre mondiale occupe aujourd'hui dans la mémoire japonaise. En 1989, nous étions en train d'examiner les archives de l'époque dans un petit village au centre du Japon quand nous sommes tombés sur un document concernant un homme des environs qui avait perdu deux frères à la guerre. Poussés par un instinct qui devait souvent nous être bénéfique, nous sommes allés tout droit chez lui, une grande ferme située au coeur d'une forêt d'arbres séculaires sur le flanc d'une montagne. Âgé d'une petite cinquantaine, l'homme nous souhaita la bienvenue, et en apprenant la raison de notre visite, nous invita à entrer. Désireux de parler, mais tendu, et ne sachant par où commencer, il se focalisa finalement sur son frère aîné, qui était mort en octobre 1937, pendant «l'Incident de Chine» - terme en vigueur au Japon pour désigner la guerre sino-japonaise qui débuta le 7 juillet 1937. «A l'époque, expliqua-t-il, peu d'hommes avaient été tués au combat, si bien que tout le monde dans le hameau nous témoignait une grande compassion. Frère Aîné devint un "dieu militaire". Mes parents se rendirent même au Sanctuaire de Yasukuni à Tokyo à l'occasion de sa consécration. La nation honorait tellement les familles des morts au combat qu'elles en devenaient presque reconnaissantes à leurs enfants d'être morts.» Le deuxième frère - notre hôte était le troisième de cinq garçons -rejoignit la marine en 1942. «C'est l'année où je suis entré à l'école élémentaire. Cette fois, mes parents étaient inquiets. Ils s'offrirent même une radio hors de prix, pour pouvoir écouter les informations. Nous ne savions pas du tout où il était parti. Chaque fois qu'on faisait état de gyokusai (mort honorable) à Attu, Tarawa, ou Saipan, mon père restait sombre toute la journée. Mon frère a finalement été tué à Truk en 1944.» À ce moment-là, notre hôte se rendit dans une autre pièce, et quelques instants après, il en revint avec un paquet de cartes et de lettres soigneusement ficelé. Après en avoir choisi une, il nous la tendit d'un air attendri. «C'est la dernière carte que nous ayons reçue de mon frère aîné. Je vous lis ses derniers mots. "C'est depuis longtemps mon désir le plus cher de tomber [comme les pétales de fleurs des cerisiers]. Mes frères ont fait honneur à notre famille en devenant des soldats !"» Brusquement, notre hôte s'arrêta, se recroquevilla, et esquissa une grimace de douleur. Puis il éclata en sanglots. Quand il parvint à maîtriser ses larmes, il poursuivit d'une voix étranglée. «Le jour de la fin de la guerre, mes parents versèrent des larmes amères. "Deux de nos fils sont morts pour rien !" Mais par la suite, jamais mon père ne critiqua le pays, jamais il ne fit allusion au militarisme ou à quoi que ce soit d'autre. Il se contentait de dire quels bons fils ils avaient été.»