Le Libéralisme par kabizbak
Un essai sympathique s'attachant à démontrer, à décortiquer et à critiquer l'attirance toute française -j'allais dire franchouillarde- pour l'autoritarisme étatique, et accessoirement l'ineptie de cette attitude.
S'il n'échappe pas à quelques incohérences -son patriotisme et son racisme surannés- Mimile met souvent dans le mille dès qu'il aborde l'état d'esprit français à l'égard des libertés individuelles et du rôle de la politique en France.
"Le Français n'admet guère deux choses : que vous restiez chez vous, et quand vous restez chez vous, que vous soyez libre chez vous. Il faut, sous peine d'être gênant -ce qui est drôle, mais en vérité vous les gênez à ne pas les importuner- faire des visites, passer la soirée, dîner en ville, aller dans le monde, assassiner vos semblables de votre présence du matin au soir."
"Il faut songer ensuite que nous sommes monarchistes. Nous le sommes profondément parce que nous l'avons été pendant huit cents ans. Cela ne se dépouille pas en quelques années. Nous sommes monarchistes. Nous n'avons pas de plus grand plaisir, après le théâtre peut-être, que de voir un roi. Quand il en passe un par chez nous, fût-il de troisième grandeur, nous sommes ravis. Il ne nous dérange pas. C'est nous qui nous dérangeons considérablement pour aller le voir. Nous ne pouvons pas nous passer de quelque chose ou de quelqu'un qui ressemble à Louis XIV."
"Moi aussi je ne serais pas fâché, en consultant mes goûts et mes passions, d'appartenir à un parti : cela donne de l'appui et de l'assiette, on ne se sent pas isolé, on se sent encadré, associé, engrené, cela flatte et cela rassure, cela caresse au-dedans de nous tout ce qui pousse l'homme à se mettre en troupeau
Je ne serais pas fâché, d'autre part, d'appartenir au parti qui aurait la majorité : on se dit qu'on est l'État, qu'on est la République, qu'on est le pays, que les autres ne sont que des émigrés à l'intérieur ou plutôt qu'ils sont une quantité négligeable et méprisable, qu'ils ne sont rien du tout ; c'est très savoureux.
Je ne serais pas fâché de faire des lois contre tous ceux qui me déplairaient et de déclarer, et dans la loi, qu'il n'y a pas de liberté ni de droit commun pour celui de mes compatriotes, quel qu'il soit d'ailleurs, qui n'a pas la même opinion que moi sur la Révolution française ou sur l'immortalité de l'âme.
Je ne serais pas fâché de prendre ma part des places et faveurs dont dispose le gouvernement et d'en distribuer leur part, largement mesurée, à mes amis, politiques et autres, à charge de me revaloir cela comme bons électeurs. J'aimerais assez tout cela.
Mais il s'agit de savoir si tout cela est de mon intérêt, c'est à dire de l'intérêt général, car il n'y a de véritable intérêt pour chacun, il n'y a d'intérêt permanent, durable, solide et en définitive réel pour chacun, que l'intérêt général."
Comme on peut le voir dans ces trois extraits, Émile Faguet tente avec un sens certain de l'humour de convaincre ses compatriotes de l'ineptie de leur posture à l'égard des libertés individuelles et du rôle qu'ils confèrent par leur attitude à l'état français. Malheureusement, son plaidoyer semble être resté lettre-morte.
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