Voilà un livre qui parlera à beaucoup et que peu connaissent vraiment. D'une part, il a servi de base à un film de Disney, mais peu de gens savent que le film en question vient en fait d'un livre (concrètement, le film reprend beaucoup d'éléments des deux premiers tomes, celui-ci et "Le Chaudron Noir"). D'autre part, l'histoire est vieille comme le monde : un jeune garçon à la vie routinière qui rêve de gloire et se retrouve avoir un destin bien plus grand que ce qu'il imaginait.
Nous suivons donc les aventures de Taran (avec un n), assistant gardien de cochon auprès de l'enchanteur Dallben, qui rêve d'exploits chevaleresques mais a déjà bien du mal à garder la truie Hen Wen dont il a la charge. Son aventure l'amènera à rencontrer plusieurs compagnons, le Prince Gwydion, la pétillante Eilonwy, l'étrange Gurgi, le barde-roi (ou l'inverse) Fflewddur Fflam, le bougon Doli, mais aussi de terribles adversaires, tel l'imposante Achren ou l'effrayant Roi Cornu. Jusque-là, on retrouverait presque la trame du film.
Là où le livre fonctionne bien, c'est qu'il se trouve à mi-chemin entre le roman d'heroic-fantasy et le bildungsroman. Taran n'est encore qu'un enfant, et ses compagnons sont pour la plupart maladroits et inexpérimentés, à l'exception des figures adultes que sont Dallben, Coll, et Gwydion. Mais ceux-ci sont vite écartés de l'histoire, et c'est une véritable équipe de bras-cassés, néanmoins courageux et volontaires, qui tente d'accomplir une quête qui parait souvent les dépasser complètement. Au final, si les personnages sortent tous grandis de leur aventure, on a tout de même l'impression que l'intrigue ne se résout pas forcément grâce à eux, et qu'ils ne peuvent pour l'instant qu'accomplir des tâches à leur portée. On est donc face à des personnages qui se dépassent, mais n'accomplissent pas forcément des miracles, et je trouve cette approche très appréciable, même si elle peut aussi donner un aspect Deus Ex Machina à la narration.
L'univers de Prydain est librement inspiré de la mythologie galloise, le "librement" impliquant qu'il n'y a pas besoin d'être expert en la matière pour s'y retrouver. Dans ce premier livre, de nombreux éléments sont présentés qui n'apportent pas grand chose à la narration, mais ce n'est rien de vraiment déstabilisant pour suivre l'histoire.
Loyd Alexander avait beaucoup d'admiration pour l'oeuvre de CS Lewis, et on retrouve dans le Livre de Trois un passage qui pourrait rappeler Narnia et ses "réfléxions" théologiques, mais celui-ci reste subtil et sans commune mesure avec la propagande chrétienne à peine déguisée de Lewis.
Globalement, le Livre de Trois réussit à être un roman à part entière tout en donnant suffisamment d'éléments pour justifier une suite. Les personnages évoluent au fil du livre mais ont encore beaucoup à apprendre et sont suffisamment attachants pour qu'on ait envie de les retrouver. Certes, l'auteur s'adresse plutôt à un public jeune, et on retrouve quelques ficelles qui paraissent grosses pour un adulte, mais si vous êtes capables de faire abstraction de ces détails et de remettre le livre en contexte (ou si vous avez l'âge requis), vous vous laisserez à coup sûr transporter par l'univers de Prydain. Surtout, malgré le lectorat visé, Loyd Alexander nous livre un roman qui sait à la fois être drôle et intelligent, qui captive son lecteur et espére lui apporter quelques leçons de vie, sans jamais pour autant le prendre de haut ou sombrer dans la niaiserie enfantine. Son seul gros défaut : il n'est presque pas question du Livre de Trois qui se trouve dans le titre. Mais si le roman est bon, est-ce bien grave?
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