Très déçu par ce Livre Noir (Kara Kitap) 716 pages dans l'édition poche. Lu juste après Les Nuits de la Peste qui m'avait laissé plus ou moins la même impression, ce 4eme livre de Pamuk - donc de ceux écrit avant le prix Nobel traduit du turc par Münevver Andaç noue ou renoue avec les mêmes obsessions de l'auteur. Réécriture d'histoires anciennes et objets du quotidien. Cela donne lieu à des listes sans fin, et des répétitions sans fin.
Le personnage principal, l'avocat Galip recherche sa femme Ruya (prénom de la fille de Pamuk) - qui est aussi sa cousine (comme le personnage de Kémal et Füsun dans Le Musée de l'Innocence - qui a disparu. Il se rend compte que son cousin Djelal qui est aussi le demi-frère de sa femme a disparu lui aussi. Il se mettra d'une certaine manière à leur recherche, mais pas vraiment en fait. On assiste plutôt à l'errance - ou aux errements - d'un fou dans les rue d'Istanbul, qui erre autant qu'il divague dans ses souvenirs et ses pensées. On sait très vite que le journaliste Djelal Salik a été assassiné, parce que l'auteur l'évoque assez rapidement, et les lecteurs fidèles de Pamuk le savent parce qu'il l'évoque dans d'autres livres. Galip se prendra pour Djelal allant même jusqu'à imiter son style et écrire de "fausses" chronique de sa propre main.
On a droit à une alternance entre les errements sans fin de Galip absolument inefficace dans la recherche de sa femme et de son cousin et les chroniques de Djelal paraissant dans le Milliyet qui ont en commun avec le style de Pamuk d'adorer l'énumération sans fin (ou presque) d'objets (les errements de Melvut dans Cette chose étrange en moi sont bien plus intéressants). Comme Pamuk, Djelal puise dans de vieilles histoires (notamment extraites des Mille et une nuits) qu'il réécrit à sa sauce. Tout finira par se confondre dans ce livre : les vieilles histoires, les actuelles, la réalité, la fiction. Au final, Galip comme le prince d'une autre histoire sera à la recherche de lui-même. Et comme le prince, il n'aura finalement à vouloir être lui-même aucune personnalité. Un peu comme les personnages de ce livre - et comme ce livre lui-même - auxquel(s) on ne s'attache pas. De ces histoires anciennes j'ai bien aimé celle du bourreau qui voyage avec la tête de celui qu'il a exécuté, mais sinon c'est presque tout. Un livre assez prétentieux qui parle beaucoup et ne dit pas grand chose, et qui m'a beaucoup ennuyé. L'auteur réussit beaucoup mieux l'exercice de réécriture dans La femme aux cheveux roux en beaucoup moins de pages. N'attendez aucune révélation à la fin.