Le Port de la Mer de Glace
Fiche technique
Auteur :
Dominique PotardDate de publication (pays d'origine) : Langue d'origine : FrançaisParution France : 26 janvier 2002Éditeur :
GuerinISBN : 9782911755088, 9782911755088, 9782951155008Résumé : Une petite merveille d’humour et de poésie burlesque dont l’action se situe dans un bar de Val Misère... Extrait : "La nuit tomba alors que nous atteignions le sommet de la niche. Une superbe plate-forme, au pied d’un grand dièdre qui se perdait dans les brumes et l’obscurité, fut la bienvenue. Ce grand dièdre était d’ailleurs la seule information que je possédais sur le reste de la face. Il fallait le remonter, puis les difficultés allaient croissantes jusqu’à l’arête sommitale du Petit Dru, avec de nombreux passages en surplomb… En hauteur pure, nous avions déjà gravi plus des deux tiers de la face ; mais en difficulté technique, ce qui nous attendait était sans commune mesure avec ce que nous avions franchi au-dessous. Nous n’étions pas près de revoir une plate-forme comme celle qui nous accueillait ce soir. J’alertai l’attention de mes camarades sur ce seul point. — Bon ben… on va profiter qu’on puisse encore mettre les verres à plat ! Gérard plongea le nez dans son sac à dos. Fernando avait annoncé au menu des bavettes à l’échalote, avec des frites. Il coupait déjà les pommes de terre en tranches. J’étais très curieux de voir comment elles allaient être frites… La réponse était on ne peut plus simple. Fernando extirpa de son sac, aussi inépuisable que celui de Gérard, deux litres d’huile et une belle friteuse noire, en fonte… Devant mon air déconcerté à l’idée qu’on hissait ça depuis trois jours, Fernando se fendit de son plus beau sourire. — Y’a pas de mystère ! Si on veut manger des bonnes frites, y faut une bonne friteuse ! C’est logique ! L’Amiral, histoire de changer, avait sorti une bouteille de Ricard pour l’apéro. La première fonction du réchaud fut de faire fondre de la neige pour hydrater la célèbre boisson sudiste. Il faisait à présent complètement nuit. Comme tous les soirs depuis notre départ, le brouillard s’était épaissi, mais la température extérieure, l’anis aidant, était tout à fait supportable. Cet emplacement de bivouac était de loin le plus luxueux que nous ayions connu : une large vire, horizontale, de sept ou huit mètres de longueur, bien plate et large de près de deux mètres. Le pastis allait bon train. L’Amiral, profitant de notre soif, exerçait ses talents de barman avec un zèle dangereux. — ‘ferais bien une petite pétanque en buvant mon pastaga, dit-il soudain, les yeux brillants. — Té, ça, c’est une bonne idée ! Je n’avais pas encore réalisé qu’il s’agissait d’une proposition sérieuse, que les deux compères grattaient la neige pour en extraire quelques pierres plus ou moins rondes. — On joue l’apéro ? Tobby s’était mis aussi, sans savoir pourquoi mais avec beaucoup d’enthousiasme, à fouiller la neige en remuant frénétiquement la queue. Quelques minutes plus tard, la partie de boules commençait. Le bouchon de la bouteille de Ricard, de toute façon condamnée, servait de cochonnet. Le terrain de jeu était éclairé par les flammes gesticulantes du réchaud. — Tire-là c’te boule ! — Allez, trois au carreau ! En ces hauts lieux, cet univers minéral, austère, glacé et inhospitalier de la très haute montagne, on aurait presque cru entendre le chant des cigales. »