Le Serpent d’étoiles c’est la voie lactée facilement perceptible depuis les plateaux du Lubéron et de la montagne de Lure dans les Alpes de Haute Provence. C’est aussi la Durance, du moins son reflet scintillant qui serpente à travers la Provence sur plus de 300 km. Affluent que j’ai longé quelques centaines de centaines (de centaines) de fois. Puis Jean Giono, était pour moi, de prime à bord, qu’une rue, qu’un nom d’école, qu’une personnalité locale avant d’être un écrivain.
Depuis septembre 2021, mon incursion dans la littérature se fit avec Stephen King puis George Orwell. Mais entre un Misery, un 1984 et un Serpent d’étoiles paru en 1933 je préfère parler du 3ème qui m’est familier. C’est parti.
Je découpe grossièrement le roman en 3 parties distinctes ; la première penche pour de la description inondée - non noyée - dans une poésie qui permet difficilement de comprendre le pourquoi du comment d’un tel voyage au pays.
Non conventionnel vous pourriez lire à son sujet, Le Serpent d’étoiles se voit truffer de petites inventions linguistiques qui ne fait qu’être un enrobage sans beaucoup de consistance à l’intérieure.
La langue des hommes libres est une bête bondissante, et là j’ai un
peu écarté les barreaux de la cage. Enfin on m’excusera.
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Mouai, j’excuse parce que c’est moins de 200 pages. Ou parce qu’un tel livre n’est pas accessible pour un lecteur non aguerri ? Probablement.
La seconde partie décide progressivement de raconter le voyage de proximité de Jean Giono [enfin] en ponctuant ses descriptions de figures de style parfois sympathiques. Quand d’autres de ces figures nous plonge dans une expérience de l’abstrait, avec des personnifications et autres métaphores filées sur plusieurs chapitres, à croire que le récit initiatique et provençal de Giono fit celui d’un explorateur de l’espace d’entre les espaces, et de mondes inconnus, tel celui de Frank Herbert.
Et si ce n’est pas pour les vers géants, ce sera pour les serpents et les gargoulettes que Giono y prouvera son obsession. D’où vient-elle ? je vous demande… Du début à la fin, il nous parle de gargoulettes par-ci, de gargoulettes par-là, qu’elles produisent du son, plus que ça, de la musique, telle son fifre dans lequel il sifflote durant toute son odyssée provençale. Et clairement j’ai la nette impression qu’il s’ennuyait terriblement en estive pour faire cette fixette sur ces foutues gargoulettes. Je vais rêver de gargoulettes maintenant...
De Sisteron au Nord-Ouest du Lubéron, en passant par Manosque, Les Mées, Pertuis et Malfougasse-Agnès, que Giono décrit comme l’Eldorado ultime, une oasis pour les bergers, la litière des dieux dit-il, le Tulomne Meadows français, la Yosemite Valley parmi les vallées, la cité d’Atlantis…
Et franchement j’aime croire que les années 30 conservaient plus que jamais le charme rural et naturel de la Provence, avec une activité d’élevage omniprésente, une faune foisonnante, un calme absolu en altitude et l’absence de pollution lumineuse. Mais à mon sens la deuxième partie du roman qui est pour moi sans conteste la plus intéressante, manque tout de même cruellement de descriptions géographiques et de parcours, d’anecdotes historiques et culturelles. Giono se dévoue à décharger tout son ressenti à travers ses expériences auditives et olfactives, mais sans jamais vraiment nous dire ce qu’est la Provence, et ce qu’est d’être berger au début du XXème siècle. Frustrant.
Alors si, au détour de son cheptel de poèmes, on lira épisodiquement que pêchers, abricotiers, vigne, toisons de thym et d’absinthe, puis herbes grasses tapissent les vallées empruntées par les bergers… Mais c’est peu, je reste donc sur ma faim.
Pour terminer la troisième partie, ça y est on y est, on repart de plus belles dans une retranscription onirique, trop onirique en personnifiant arbres, fleuve et mer… Terre, berger et bergère ; le tout par effet de longues répétitions, de longues répétitions.
De longues répétitions.
On transgresse vers la fable, tout en italique…. Ça nous en assèche la pupille, et toute la Durance en passant. Pas très emporté par ce voyage d’à côté : maintenant j’ai envie de lire John Muir et Frank Herbert.