Sur Cesare Pavese, et Le bel été.
(...) j'ai vu que tu as aimé Le Bel été de Pavese. J'hésite à le lire (enfin, à l'acheter), je ne trouve pas d'avis de lecteurs (...) Est ce que tu pourrais me dire ce qui t'as plu dans ce livre?
Merci d'avance :)
Le bel été.
Je l'ai lu, il y a trois ans environ. J'ai été le rechercher dans la bibliothèque ce matin, histoire rafraîchir ma mémoire.
Ce qui m'a plu chez Pavese (dans Le Bel été et dans ses autres récits) c'est un peu ce qui m'a plu chez Faulkner, ou Fante (pour certains passages)... Le culte d'un pays. Du Sud. Quand Faulkner écrit la vallée du Mississipi, ou quand Fante évoque les Abruzzes (qu'il ne connaît pourtant qu'à travers son père) ou quand Pavese raconte ses collines, il y a quelque chose qui va au-delà de l'amour... On sent « l'appartenance » (et l'enfance), et une sorte de fierté obligée.
Dans Le bel été, la langue de Pavese est magnifique : rugueuse. J'aime beaucoup sa manière d'écrire la nature (« Animer la nature en la décrivant dans des attitudes humaines (...) », Pavese, Le Métier de vivre.)
Comme Faulkner, il excelle aux parlers locaux, aux dialectes, et aux images... (L'idéal étant de lire Pavese en italien, mais la traduction française est très bonne) Vulgarité, grossièreté paysanne ; placées comme il faut. Et puis, comme Faulkner encore, Pavese est un maître du dialogue (il en parle en termes de « discussion »), et du personnage.
Le bel été est un recueil de nouvelles (longues comme un roman de Fante...) : Bel été (écrit en 1940), Le Diable sur les collines (1948), Entre femmes seules (1949) – Pavese se suicide le 27 août 1950, un an après la parution du livre.
Du fait du temps qui les sépare, de l'état d'esprit (et de santé) de l'auteur (...), les nouvelles sont incomparablement différentes (du naturalisme à la réalité symbolique). Je ne me souviens plus assez précisément des textes pour aller chercher l'élément unificateur – on dirait les collines, mais c'est franchement simpliste.
Je ne peux que m'en souvenir ; ce livre m'a impressionnée. Et émue. Alors, je le conseille, vivement – à ceux qui aiment ; « Ce qu'il y avait de plus beau c'est quand nous descendions à la grotte ou aux vignes, manger des fruits sauvages, nous coucher dans l'herbe, nous cuire au soleil. Il y avait cette vague odeur d'août, de saumure terrestre, plus forte qu'ailleurs. Il y avait le plaisir de penser à cela la nuit, sous la grande lune qui raréfiait les étoiles, et de sentir à nos pieds, de toutes parts, la colline secrète qui vivait sa vie. » Le bel été, Gallimard Découverte, p. 172.
Extraits du journal de Pavese, « Le Métier de vivre » :
« 7octobre 1948 – Le 4 octobre, fini Le Diable sur la colline. Ca a l'air de quelque chose d'important. C'est un nouveau langage. Au dialectal et à l'écriture soignée, il joint « la discussion d'étudiants ». Pour la première fois, tu as vraiment planté des symboles. Tu as récupéré la Plage en y greffant les jeunes gens qui découvrent, la vie de discussion, la réalité mythique. »
« 26 mai 1949 – Fini aujourd'hui Entre femmes seules. Les derniers chapitres écrits chacun en un jour. C'est venu avec une facilité extraordinaire, suspecte. Et pourtant cela s'est éclairci peu à peu et les grandes découvertes (voyage dans le monde rêvé étant petit et maintenant vil et infernal) sont venues presque au bout d'un mois, au début d'avril. Mais je crains d'avoir joué avec des figurines, des miniatures, sans la grâce du stylisé. Le plan n'était-il pas tragique ? »
« 29 décembre 1950 – R. t'a dit (Diable sur les collines) qu'en toi, on sent le jeune homme – et que tu fais peur à cause de cela. Que tu travailles une matière qui vole en éclats. Cela, je ne l'ai pas compris. Mais était-ce entièrement un compliment ? »
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