Alors qu'il visite le musée national San Marco de Florence, Fabrizio Annunziato, traducteur de son état, est accidentellement enfermé dans la cellule numéro 5, anciennement celle du moine Fra Giovanni da Fiesole, plus connu sous le nom de Fran Angelico ou Le Beato.
C'est dans cet espace réduit que par divers concours de circonstances, ou bienheureux ou malheureux aléas, que le traducteur va passer quelques jours en profitant pour méditer et tenter de finir cette traduction à laquelle il ne parvient pas à s'intéresser.
Petite précision pas nécessaire mais culturelle si comme moi, vous n'êtes point calés sur la peinture italienne. Fra Angelico fut un religieux dominicain et un peintre important du Quattrocento qui fit ses armes dans divers lieux religieux et décora le couvent de San Marco notamment d'une célèbre Annonciation. D'où sûrement le nom du héros de ce livre, Annunziato.
Une fois cela dit, ce qui m'a d'emblée plu dans ce roman, c'est l'écriture, le style de Yan Gauchard. Dès l'entame, je sus que ça allait me ravir et la suite me l'a confirmé. J'aime ces tournures travaillées pour obtenir un bel effet, qui ne ressemblent pas à du langage parlé, sauf parfois lorsqu'elles mettent de l'humour : "Le hasard [...] aurait placé le traducteur trentenaire cellule numéro 3 face à l'éblouissante fresque de L'Annonciation, histoire fantasque où l'ange Gabriel visite Marie et lui apprend que, une petite graine dans son ventre mais de grâce, patience, il faut attendre quelques mois, allongez-vous surtout, du repos, du repos avant tout, les travaux des champs ou de l'étable, c'est fini pour vous." (p.17)
Ce sont aussi des descriptions de personnages décalées, qui personnellement, m'enchantent par des détails : "Toc toc, encore ; la porte, toujours. Cette fois, c'est un homme, tout en ovales, à la parure vestimentaire soignée : costume noir impeccable, chemise blanche discrètement amidonnée, mocassins noirs lustrés comme neufs, et comble du raffinement : un nœud papillon audacieusement vermillon, parfaitement positionné." (p.107) J'aime ce "audacieusement vermillon" et le style qui colle parfaitement au type qui entre dans la pièce, raffiné, distingué et un rien désuet.
L'histoire quant à elle est très lente puisqu'il ne s'y passe pas grand chose et est simultanément riche en trouvailles pour faire rester Fabrizio plusieurs jours dans une cellule de moine, en rebondissements une fois sorti qui parlent de l'Italie de 2002 sous le règne de Berlusconi. Et il y a le cheminement de Fabrizio Annunziato, sa surprenante passivité devant ce qu'il vit. Il subit, mais volontairement et y prend goût. Bref, ce premier roman du journaliste Yan Gauchard m'était complètement inconnu, il m'a fallu une visite à la bibliothèque pour le découvrir. On ne dira jamais assez de bien des bibliothèques.