Fulgurances chrétiennes contemporaines
Il n'est pas si fréquent d'entendre en Occident des voix chargées d'une haute intensité spirituelle - le catholicisme les a très largement fait taire (ou enclôt dans les couvents), pour se plaindre ensuite de la sécularisation consumériste du monde...
Il faut lire Suau comme on lirait qui a vu (dieu) face à face et s'en est revenu doué de paroles - prophète, oui, dans la brûlure d'un message ardent dont la radicalité parfois exaltée rappelle rien moins qu'Eckhart, le Pseudo-Denys ou Damaskios voire les grandes mystiques non-dualistes d'Orient ("L'Univers est un Néant qui subsiste pas l'Etre d'un Autre, en cela il n'existe pas car il est Néant, en cela il est cet Autre car seul cet Autre est").
Ses Essais sont de courtes notes dédiées aux grands thèmes chrétiens de la quête spirituelle, écrits comme rhapsodiquement, dans une langue simple et conceptuellement dense (parfois grammaticalement approximative mais peu importe). Non que le concept ait en tant que tel son importance : c'est un témoignage plus qu'une théologie - ou plus exactement une christologie que ne dédaigneraient pas les orthodoxes de la divinisation de l'homme.
Quelques aphorétismes détourent le lacis de la façon dont il inscrit verbalement son expérience du divin. Il sont assez banals en soi, voire mièvre ("Le silence amoureux, c'est l'éternité") si on ne les lit que dans un état lénifié du langage. Il faut les reprendre, chacun dans son jaillissement radical, et cette assez plate littérature témoigne soudain d'autre chose. Mais il fallait le parcours des Essais pour le comprendre - sans eux, je serais passé à côté.
Sa poétique en revanche me laisse plus froid. D'une métrique parfois approximative, attachée à compter ses pieds mais sans réel sens du rythme et une connaissance très approximative des règles de la rime, que pourtant il utilise. Sans doute, pour en tirer le sel, faudrait-il soit les dire, soit se projeter dans l'état dont sont sortis ses vers.