Invitation au désoeuvrement

Contemplation, paresse, voyage intérieur. A travers la psychologie des personnages on découvre, en creux, le portrait de leur auteur, aristocrate sans le sous qui avait volontairement fait le choix de mener une existence minimaliste, considérant qu’il s’agissait de la condition même de sa liberté. Rodolphe Christin dépeint un homme à la vie atypique, qui a vécu dans un hôtel de Saint-Germain des Prés soixante ans durant et qui s’arrangeait toujours parmi ses nombreuses connaissances pour se faire inviter au restaurant, chaque midi, et chaque soir. On découvre, par petites touches, la frugalité joyeuse des personnages de Cossery en même temps que le regard singulier, teinté de beaucoup d’humour et de sagesse, de leur auteur sur son époque.

Bien qu’il ait quitté son pays natal pour Paris alors qu’il était encore un jeune homme, Cossery raconte le Caire de son enfance dans chacun de ses romans. Ces histoires réunissent à elles seules toute la puissance de l’oeuvre littéraire en ce sens qu’elles relèvent à la fois de l’anthropologie, de la philosophie et de la poésie.

Parce-qu’à contre-courant des valeurs véhiculées par le monde moderne, la lecture des romans de Cossery parait nécessaire et urgente. Parce-que le refus de parvenir repose sur une manière de vivre qui mérite d’être entendue, je remercie Rodolphe Christin de m’avoir fait connaitre un être fascinant dont les mots rejoignent mon intuition.

Aujourd’hui je n’ai rien fait.
Mais beaucoup de choses se sont faites en moi.
Des oiseaux qui n’existent pas
ont trouvé leur nid.
Des ombres qui peut-être existent
ont rencontré leur corps.
Des paroles qui existent
ont recouvré leur silence.
Ne rien faire
sauve parfois l’équilibre du monde,
en obtenant que quelque chose aussi
pèse sur le plateau vide de la balance.

Roberto Juarroz, extrait de XIIIième Poesie Verticale.