La chronique littéraire sur les radios de l'Arc jurassien
Larry vit à Chabot, petite commune du Mississipi. Son père le dépose tous les jours à l'école où il y a plus de noirs que de blancs, et Larry n'y est pas à l'aise. C'est un enfant à part, qui adore lire des histoires d'épouvante, mais qui n'a pas un seul ami.
Le jour où il rencontre Silas et sa mère sur le bord de la route, ils n'ont pas de manteau, et en hiver il fait froid, même dans le Sud. Il apprend qu'ils vivent dans la petite cabane de chasseurs dans la forêt de son père. De fil en aiguille, Larry va gagner l'amitié de Silas. Il lui apprendra à utiliser un fusil de chasse et retournera jouer dans la forêt presque tous les jours.
Personne ne sait que les adolescents se voient en douce, l'un blanc, l'autre noir. Cela ne se fait pas, mais Larry a enfin un ami rien que pour lui.
Un jour, la jolie blonde qui habite près de chez lui, propose de l'accompagner au cinéma, lui, le garçon qui n'intéresse personne et dont toutes les filles se moquent. Larry ne ramènera jamais la jeune fille à la maison. En l'absence de preuves et surtout de corps, la police ne pourra pas inculper Larry, qui entame 30 ans d'un dur chemin où il devient Larry le pourri pour tout le comté. Même pour Silas, qui continue ses études loin de lui.
Trente ans plus tard, Silas revient et se fait engager comme garde-police.
A nouveau, une jeune fille disparaît et tous les regards se tournent vers Larry le pourri, qui est retrouvé chez lui une balle dans le coeur, à moitié mort.
Bien que teinté aux couleurs du polar, Le retour de Silas Jones nous parle avant tout de l'histoire de ces deux garçons que tout oppose. Silas déterre sans le vouloir des secrets vieux de 30 ans. Des secrets qui ont détruit un homme qui ne voulait de mal à personne, accusé à tort, et rejeté par tous, usé par une ségrégation sociale terrible.
L'écriture de Tom Franklin met en scène une réalité poignante. Tour à tour, Larry et Silas se racontent. Ils nous donnent les clés pour comprendre ce qui s'est réellement passé, et Franklin assemble le présent et le passé très habilement, en ayant recours aux flashbacks, pour nous livrer une narration non linéaire dynamique L'empathie que l'on ressent pour Larry se mue en passion dévorante jusqu'aux dernières pages. Ce n'est pas de connaître le tueur qui nous importe, mais bien les destinées de Larry et Silas, qui ne sont pas des héros, mais juste deux hommes perdus que la plume de Franklin met en scène avec une grande profondeur.