L’art du contrepied dans la tragédie

Ce premier roman de Marie-Hélène Lafon est un petit chef d’œuvre.L’auteur, professeur de français et donc à même d’organiser les rouages d’une mécanique littéraire implacable, raconte comment un évènement en apparence anodin ( un chien renversé) va briser des couples et une petite communauté.Mais ce n’est pas tout. Marie-Hélène Lafon va encore plus loin en donnant son propre prénom à l’anti-héroïne ( qu’on a pourtant vite fait baptisé « Marlène ») dont la ballade avec son corniaud va tout provoquer.Une façon de faire corps avec son récit mouvementé et incisif, comme si l’écriture charnelle était le prolongement d’elle-même.Ensuite, le lecteur ne peut être que chaviré par une polyphonie narrative ( à l’image des chœurs dans la tragédie grecque) où les personnages de Laurent, de sa mère ou encore de Marlène délivrent leurs ressentis, leurs vérités, leurs coups de semonce.Avec ce dispositif, l’écrivain projette des douleurs, des non-dits, des rages ou des rancunes contenues et déshabille des membres d’un bourg en apparence calme et sans histoires. Si vous accepter ce déballage, ces fracas, vous entrerez dans la globalité de cette histoire complexe. Les trente dernières pages sont sidérantes car Marie-Hélène Lafon déglingue Sophocle et son principe de prédestination dans Œdipe Roi.Ce qui intéresse notre auteur est le dommage collatéral qu’on ne veut pas voir venir.D’où cet art de contrepied dans la tragédie pour assommer le récit une ultime fois. Chapeau Madame et une pensée pour ces lycéens de 1996 qui récompensèrent en même temps d’un prix littéraire un auteur et une enseignante. Quel hommage ultime pour passer de l’autre côté du miroir ( de la pédagogie à la création littéraire) via cette consécration.

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le 1 déc. 2019

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