(Critique d'un non-chrétien.)
Je reste partagé. Le roman coule bien. Il fait renaître dans les paysages de Galilée, de Judée, de Jérusalem cette histoire trop connue. Il donne aussi à entendre le mythe brut, la thaumaturgie, l'assurance, le charisme que la fois du charbonnier attribue à celui qui s'appelait Yeshoua ; celui qu'on appellerait Chrestus chez ces Romains dont est issu le personnage qui, dans une longue lettre de plus de 500 pages, nous offre, dans l'alternance entre un cachot de l'Empire et le soleil d'Israël, le récit de Shimon, Simon-Petros, le Roc.
Je suis frappé, souvent fort touché, de certaines inventions : les raisons profondes de la crucifixion, les personnages antithétiques mais au fond par là-même apparentés de Juda et de Iochanaan, la stature de maître de Yeschua, son humanité, l'attachement divers et diversement aveugle de presque tous ses disciples. Il y a même quelque chose à tirer de la figure du Diviseur, n'en apprécierais-je pas spécialement - ici comme dans le christianisme - l'aspect au fond manichéen. Marchent un peu moins bien quelques visions d'un Christ superhéro, mais bon, il y a là quelque chose d'une couleur locale, qui se laisse assez bien transcrire dans la fable spirituelle, au fond - et qui sait en plus flatter mon amour du merveilleux :)
Je suis en revanche un brin moins à l'aise avec les dialogues entre les trois prisonniers du cachot, et ce qu'ils témoignent ici de pastorale un brin gnangnan et là d'une conception limitée des spiritualités orientales (reflétant en fait les limites que leur attribue certaine vision chrétienne du spirituel). J'ai au fond une allergie assez profonde à ce qui, dans le christianisme, se réfère de près ou de loin à l'affirmation de sa supériorité - je trouve l'allégation au mieux inutile, au pire, démesurément orgueilleuse et fermée de coeur, quelles que soient les "justifications" textuelles qu'on voudra bien y apporter. Malheureusement, le roman n'échappe pas toujours complètement à cette tendance - s'en dédouanerait-il en particulier dans ses toutes dernières pages, il m'a souvent irrité dans l'évolution qu'il dessine des relations entre les trois personnages oubliés dans les enfers des cachots romains. Je la trouve au mieux... bébête - Shimon n'est pas présenté comme ayant assez de feu ou de profondeur pour que sa seule histoire engendre ce qu'elle engendre chez les autres. Mais peut-être est-ce ainsi que certains chrétiens perçoivent la nature de leur parole religieuse, sa capacité, au sein d'histoires racontée de bon coeur, à initier une rencontre de type spirituel - à véhiculer quelque chose de vrai d'un Christ réel - pouvoir thaumaturgique ou spontanément sotériologique du verbe révélé, saint parce que biblique, parce que cru au-delà de toute mesure, parce que vrai. Cela m'est fort étranger, pan du religieux qui me laisse totalement de marbre, la foi ne me paraissant pas affaire d'affirmation de croyance, ni donc de vérité narrative. J'achoppe donc sur tut ce qui du bouquin se rapproche de cela. Le reste est pour auatnt assez convainquant pour ne pas m'en avoir gâché la lecture. En demi-teinte, plutôt lumineuse, donc.