Le vent du boulet est un roman historique très réussi sur la vie de deux familles résidant dans une maison de la Rue Neuve à Bruxelles en 1796, alors que la Belgique vient d’être annexée à la République française après la révolution de 1789. Il se place dans la continuité de Finis Terrae, un premier roman sur les habitants de ce même édifice au XVIIe siècle.
Le principal protagoniste (mais y en a-t-il vraiment un ?), Philippe Morin, est un jeune homme de 25 ans passionné d’égyptologie qui vit à Lille en 1796. Lorsqu’il découvre, à la mort de son père, qu’il a été adopté par ses parents, il décide de partir à Bruxelles à la recherche de sa mère biologique, dont il sait seulement qu’elle habite une certaine maison de la Rue Neuve. Celle-ci est divisée en deux habitations distinctes. Le côté gauche de la maison est occupé par les Deberghe, une famille de cinq enfants dont le père est serrurier. Le côté droit appartient quant à lui aux Durand, un couple dont le marin est médecin et qui héberge par ailleurs une ancienne religieuse.
Nathalie Stalmans décrit avec beaucoup de finesse le quotidien de tout ce petit monde, domestiques compris. Elle distille peu à peu des indices sur l’identité de la mère de Philippe Morin, notamment en ayant recours à plusieurs flashbacks dans les années 1760, 1770 et 1790. Cette enquête se joue d’ailleurs du lecteur, qui croit avoir deviné l’identité de la mère de Philippe à environ un tiers du roman, avant de réaliser dans les dernières pages qu’il s’agit en réalité d’une autre personne.
Si la quête d’identité de Philippe donne sa cohérence au récit, celui-ci est peuplé de multiples personnages, ce qui rend toute identification à un(e) protagoniste assez difficile. Toutefois, l’auteure a le don de dresser des mini-portraits de personnages secondaires de manière très vivante et attachante. Sa description de la vie quotidienne à Bruxelles sous le régime français est particulièrement convaincante et fourmille d’anecdotes et de détails intéressants. En ces temps de changements radicaux, de nombreux habitants cherchent à survivre et s’adaptent de manière pragmatique aux nouvelles règles en vigueur, même si celles-ci font l’objet de nombreux contournements. Ainsi, « les rues foisonnent d’officiers français dont la tâche principale est de veiller à ce que les boutiquiers travaillent le dimanche et que nul ne donne l’aumône à de vieux capucins errants » et, dans les lieux de culte, « les hommes emplâtrent les statues et retournent les pierres tombales pour éviter de devoir les briser. »
Au final, Le vent du boulet est un roman historique intelligent, bien documenté, bien écrit, bien rythmé, plein d’humour et de surprises, à recommander tout particulièrement aux amoureux de Bruxelles.