C'est une biographie romancée qu'elle nous propose, celle du poète et résistant Robert Desnos, un homme aux mille vies épris de liberté.
C'est une lecture exigeante, mon rythme de lecture était beaucoup plus lent qu'à l'habitude au début du livre mais c'était nécessaire je pense pour s'imprégner de l'époque, entrer dans l'ambiance et se glisser dans le sillage de Robert Desnos et éprouver le sentiment étrange de vivre avec lui sa vie, ses soirées folles dans Paris. J'ai vraiment eu le sentiment durant toute la lecture qu'il m'accompagnait, de sentir sa présence auprès de moi.
Quelle vie les amis, ou plutôt devrais-je dire quelles vies incroyables car cette existence était tellement riche en contacts, en amitiés qu'on a le sentiment qu'il en a vécu plusieurs.
On se plonge au coeur des années 20 jusqu'à la fin de l'occupation. Gaëlle Nohant nous plonge non seulement dans la vie de Robert mais aussi nous conte l'Histoire en majuscule, la situation mondiale, en Espagne, la crise économique, la montée du nationalisme, l'avènement d'Hitler, la guerre..
Avec Robert on va vivre des soirées folles dans Paris, on côtoie les précurseurs du surréalisme Breton, Crevel, Man Ray, Jeanson mais on participe aussi à des discussions intéressantes avec Prévert, Aragon, Rimbaud, Néruda, Eluard, Garcia Lorca, Picasso. On refait le monde au café des "Deux Magots"...
On vit avec lui le processus de création, ses nouvelles, poésies, romans, théâtre... , toujours ce besoin d'écrire pour vivre, pour être libre.
On vit les tensions avec Breton, sa rencontre avec Deharme qui l'amène à devenir animateur de radio, rédacteur puis chroniqueur dans un journal où la rencontre avec Laubreaux déterminera une partie de sa vie.
Desnos c'est aussi le fêtard, l'amoureux. Deux femmes dans sa vie Yvonne George une célèbre chanteuse et celle qui sera l'Amour de sa vie, Youki Foujita, muse de Montparnasse, collectionneuse d'hommes mais qui au final découvrira l'amour véritable avec Robert.
Des amis : Foujita, Jean-Louis Barrault, Frankel... J'ai appris énormément de choses sur cette période sur les personnalités artistiques célèbres qui faisaient partie de son quotidien. J'ai adoré ces découvertes.
Et puis il y a l'autre facette de l'homme toujours généreux, rendant l'espoir et le sourire dans toutes les circonstances, quelle homme généreux qui prit parti durant l'occupation et devint résistant actif. Son engagement était total ne supportant pas l'occupation et étant trop épris de liberté.
Peu à peu je suis rentrée dans le récit de sa vie, c'est passionnant, enrichissant. Je me suis attachée à lui et surtout à Youki qui grâce à lui a appris à aimer pleinement. Quel amour incroyable, véritable jusqu'à la fin de sa vie. Que d'émotions et de larmes versées je dois bien l'avouer à la fin du récit. La plume est magnifique, ponctuée de la poésie de Robert Desnos. Que de poésie, de passion et d'amour, un choix des mots justes, c'est juste splendide, envoûtant et lumineux.
Je vous invite vivement à découvrir ce très beau coup de coeur. ♥♥♥♥♥
Les jolies phrases
Pour lui, la vie ne saurait se limiter au jour. Il y a trop à faire, tant de musiciens à écouter, de vins à boire et d'amis à saluer !
Yvonne. Le y qui ouvre son prénom est le delta ondoyant qui l'aimante et le repousse. Yvonne est une étoile de mer. Pour l'aimer, il faut accepter d'être blessé.
L'amour à sa naissance a la cruauté des bêtes sauvages c'est ainsi depuis la nuit des temps.
Yvonne et Youki, les soeurs siamoises qui se partagent son coeur et qu'on ne peut détacher l'une de l'autre sans le déchirer.
Robert n'entend pas limiter sa poésie à un seul support. Pour lui, l'écriture est ce territoire mouvant qui doit se réinventer sans cesse, demeurer une insurrection permanente, une fontaine de lave, des corps joints dans la danse ou l'amour, une voix qui descelle les pierres tombales et proclame que la mort n'existe pas, une expérience sensorielle.
Robert avait rejoint les surréalistes car l'inconscient, le merveilleux et le rêve étaient son territoire de toujours, le seul dont il se sentait un arpenteur légitime.
Robert, ce qui me terrifie le plus, c'est de vivre sans amour. Je sais que ce n'est pas un remède facile, qu'il peut être balayé au premier souffle... Mais sans amour rien n'a de sens, rien de nous retient, toutes les nuits se ressemblent.
Les coeurs qui ont déjà été brisés redoutent l'amour parce qu'il porte sa fin. Ils craignent de ne pouvoir endurer ce coup supplémentaire, l'arrachement et la terre brûlée.
Toute oeuvre d'art porte une vision du monde, observe Robert que cette discussion passionne même si les traducteurs peinent à en suivre le rythme. Les despotes entendent imposer la leur, et nous leur opposons une multiplicité de regards et de points de vue qui leur est odieuse. Pour eux, il ne peut y avoir qu'une seule vérité, qui devient un catéchisme. La culture est un enjeu. Quand on permet à ceux qui en sont exclus d'accéder à l'art et à la connaissance, on sème une graine de liberté qui peut les soustraire à la toute-puissance des tyrans.
Il ne chasse plus les mots comme les papillons rares. Il veut que sa poésie sonne clair comme un chant de révolte, qu'elle s'alimente à un réel de chair et de sang.
La poésie, le théâtre, la peinture et la musique peuvent triompher de la peur et de la haine, créer des ponts entre les hommes.
-On ne peut dompter la nature qu'avec son consentement, répond Seghers avec un grand sourire. Tous les poètes le savent.
-Et la nature de l'homme n'est pas de ramper devant les tyrans, murmure Robert. Sans quoi nos genoux seraient couverts d'écailles ...
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