Driss Guerraoui, américain d’origine marocaine, est propriétaire d’un diner. Alors qu’il s’apprête à regagner son domicile un soir, il est renversé par une voiture et meurt. Le conducteur prend la fuite. La fille cadette de Driss, Nora, ne veut pas croire à un accident et imagine quelque chose de plus sombre, peut-être un crime raciste. Mais si cette mort brutale est un drame pour la famille Guerraoui, elle ouvre aussi des portes vers des secrets et des blessures encore vives.
Laila Lalami donne la parole tour à tour à plusieurs personnages. Les filles et la femme de Driss, l’enquêtrice en charge de l’affaire, un policier qui a connu Nora dans leur jeunesse et qui la retrouve suite à ce drame, le propriétaire du bowling voisin du diner de Driss... Et tous recomposent une histoire personnelle mais aussi une histoire de l’Amérique qui reste hantée par ses fantômes et des réflexes de racisme et de méfiance à l’origine de tensions qui peuvent parfois conduire loin.
Ce roman choral est passionnant et formidablement bien construit. Il alterne les prises de parole et les points de vue de tous les personnages jusqu’à reconstruire entièrement le puzzle de l’intrigue. Au fil du livre on découvre des éléments cachés, des failles, des incompréhensions, des douleurs remontant parfois à l’enfance, des frustrations. Le roman interroge à la fois sur les relations familiales mais aussi sur les fondations d’une identité, sur la relation à l’autre qui peut être d’origine, de religion ou de sexe différent. C’est profond et cela amène à se questionner soi-même sur son rapport aux autres.
Ce roman n’est pas sans me rappeler ce sublime roman de Rusell Banks, De beaux lendemains. Dans la façon de construire le récit mais aussi dans la manière de nous donner à voir le visage d’une société américaine pétrie de contradictions.
Un vrai coup de cœur en ce qui me concerne.