Y a-t-il une littérature "post-houellebecquienne" ?
Je ne suis pas de ceux qui pensent qu'il soit souhaitable de mobiliser les données biographiques d'un auteur pour interpréter ses oeuvres. Mais force est de constater que Les Bras Armés et Autres Textes relève d'un tout autre genre que le premier livre de Yann Ricordel-Healy, un recueil de brèves nouvelles intitulé Le risque dont on a pu lire que "l'influence de Michel Houellebecq y [était] prégnante", et qu'il s'est en outre passé quatre années avant la parution de ce nouveau livre. Ayant donc ici affaire à une oeuvre éminemment personnelle et même parfois douloureuse (je pense en particulier au premier et au dernier texte de ce bref volume qui ne compte qu'une quarantaine de pages), on peut, en tant que lecteur, être en droit de supposer que l'auteur a été confronté à un événement suffisamment important pour provoquer une sorte de "révolution stylistique intérieure". Je voudrais risquer ici le qualificatif d'oeuvre "post-houellebecquienne".
Tout d'abord parce que, alors que Michel Houllebecq a chanté les louanges du roman comme moyen de décrire le monde contemporain de manière littérale, il ne s'agit pas de récit, mais de prose poétique, de poésie en vers libre, et même pourquoi pas de théâtre, s'agissant du premier texte du livre, "Les bras armés", qui se présente comme un dialogue entre deux hommes qu'on imagine d'âge mûr se remémorant une époque à la fois héroïque, cruelle et abstraite, d'une abstraction qui est celle du mythe. Ce passé mythologisé, les allures de texte sacré du deuxième texte "L'oeil futur" (où l'auteur pratique ouvertement la citation, de manière plus assumée et raisonnée que dans Le risque) ne se relient indirectement au monde tel qu'il va, par un effort d'imagination, d'internalisation et de subjectivation. La lecture de ce bref opus relève donc d'un engagement et ne relève en aucun cas du divertissement. Je pense aux mots de Franz Kafka : "Un livre doit être la hache qui brise la mer gelée en nous"...
Créée
le 11 nov. 2017
Critique lue 246 fois
1 j'aime