Quelques premières remarques sans trop dévoiler l'intrigue (à lire aussi pour le style):
Lu sans connaître l'histoire, ni le résumé ou la sacro-sainte quatrième de couverture.
Une intrigue captivante. Qui m'a rappelé mon malaise au début d'Au pays des vivants de Nicci French où je pensais avoir à faire à une femme qui se réveille dans un hôpital.
L'auteure m'a absorbé, sans doute grâce à son histoire mais aussi son style: l'histoire est parsemée de mini contes pour enfants, qui forment eux-mêmes un vrai recueil de nouvelles au sein même du roman.
La forme est très appropriée à ce type d'histoires. Notamment le style parfois soutenu: très bonne idée car les personnages n'ont pas été élevés dans la grossièreté et la perte de langage et de vocabulaire endémiques de nos jours. Les personnages ont eu un tuteur personnel et vieux-jeu, épris de littérature et auteur à succès un temps, donc premier de la classe lui-même.
Le style maitrisé rend le sordide encore plus choquant. On pense alors à des personnages comme Hannibal Lecter, joué sans vulgarité par Anthony Hopkins: il parle très bien aussi, et se comporte très mal. Des premiers de la classe en style, se comportent souvent de manière sordide. Le degrés d'éthique n'est hélas pas corrélé au niveau de culture.
L'auteure nous fait découvrir et vivre le langage et les pensées d'enfants comme Terry Gilliam m'avait fait vivre les rêves éveillés d'une petite fille et ses poupées dans Tideland.
Tout parait crédible et j'ai cru à tout. Comme un enfant à qui on raconte une histoire le soir.
Spoils:
___un film sur un très fort Syndrome de Stockholm (notamment l'éprouvante fin du chapitre 32, page 148 du format poche en édition Pocket).
___Aleph est le pseudo que se choisit l'écrivain dont on découvre le projet: j'ai ensuite appris que "c'est aussi la lettre A de plusieurs alphabets &titre d’une célèbre nouvelle de Jorge Luis Borges"?
___ grâce à Jaklin, j'ai (re)découvert la musique et chant: "l'Aleph de Couperin" (dans la version&interprétation "de Deller"). Dont les mots donnent aussi une piste d'explication au pseudonyme du personnage; possible lien entre son projet et les paroles du chant:" Eh quoi! elle est assise solitaire, cette ville si peuplée! Elle est semblable à une veuve! Grande entre les nations, souveraine parmi les états, Elle est réduite à la servitude!"
___la manière dont les enfants à la Bad Boy Bubbies(film Australien sur un enfant né dans un bunker), décrivent une maison alors qu'ils n'en ont jamais vues est géniale: une vraie immersion dans une secte et de nouvelles lunettes pour voir notre monde. Ils ne savent pas ce que sont des toilettes et une salle de bain, comme Jacquouille la Fripouille mais en beaucoup moins drôle (page 153)
___le doute sur la mère et ses scènes, où on ne sait pas, me rappellent le film Canine de Yórgos Lánthimos (notamment le 'conte' 29, pages 168/169): ce sont ces passages et ce personnage de mère qui me donnent envie à la fin de relire le livre et les retrouver.
___les scènes du point de vue de la policière (qui a un petit air et musique de Donald Pleasence dans Halloween, page 272) et des enquêteurs, notamment autour du nid/terrier, m'ont fait penser à un film poisseux, pluvieux, tendu de David Fincher avec peut-être un Greig Fraser à la photographie(il a faite celle du Batman 2022)? eg. page 176; 255; 274; (et 260 :-( )
____il est fait allusion par un policier à un conte que je ne connais pas assez, et à part peut-être le nombre de personnages, les allusions m'échappent pour l'instant Boucle d'or et les trois ours des Frères Grimm (page 191)
___j'ai fini le livre pendant la canicule en Juillet 2022, sujet par coïncidence du conte/Livre n°7 sur "la chaleur irrespirable...les peaux n'en finissaient pas de suer" (page 194)
___j'aime beaucoup la courte scène d'écran de télé où on voit le parfaitement intégré et normal Alep dans une sorte de Grande Librairie de François Busnel: le monstre à tête de gentil normal... façon Philippe Noiret en star populaire de la télé dans Masques de Chabrol.
___la retrouvaille page 287 est bouleversante.
___la première mort (page 260) est inoubliable et aussi très émouvante (très malin et tordu de nous avoir laissé nous attacher à ce petit personnage, ouistiti amusant, curieux ... et nous faire ressentir un mini deuil virtuel): auteure monstre?...
__j'adore l'idée que pour se distraire dans le trou, les prisonniers ont inventé leur propre cinéma d'ombres et de lumières: voyant des créatures et personnages, dans des ombres, des taches et des marques d'humidité...récemment j'apprenais le mot 'paréidolie', qui consiste par exemple à voir un visage dans les cratères de lune (page 181: dans un coin de la pièce, vit "une pieuvre affublée de minuscules tentacules"; ce qui rappellent les inventions ou témoignage de marins en huis-clos aussi, notamment dans le John Huston et Herman Melville, Mody Dick.)