"That romantic disease, originality"
Allez, pour être honnête, je n'ai pas été follement emballé. Mais j'ai trouvé ce livre intéressant, raison pour laquelle j'ai voulu écrire cette critique.
Roman constamment méta-textuel, "The Recognitions" peut être analysé comme le premier volet d'une réflexion sur les tentatives artistiques - et leurs flamboyants échecs.
A vrai dire, toute démarche artistique part d'une fêlure fondamentale dans le roman de Gaddis : c'est peut-être le sens du début du livre sur l'absence de transcendance. Il est "vain", dans la religion comme dans la tradition artistique, de trouver une quelconque "légitimité". Dès lors, comment un acte créateur est-il possible, s'il n'y a rien sur quoi il puisse se fonder, s'il ne part de rien ...?
Plusieurs artistes, plusieurs voies, plusieurs échecs.
Celui de Wyatt Gwyon est peut-être le plus intéressant. Wyatt, le type qui a renoncé au ministère pour se lancer dans la production de faux tableaux. Pourquoi des faux? Par obsession de l'origine, sans laquelle "there's no direction to act in now". La question de l'originalité est déplacée par rapport à la conception romantique qui l'envisageait dans un sens novateur. Pour Wyatt, l'originalité s'impose comme une nécessité, condition indispensable de l'art, qui ne peut être un geste aléatoire. En fait, Wyatt ne fait pas que copier des tableaux, il sélectionne en eux ce qui fait sens pour lui, et RECONNAIT quelle est leur originalité profonde. Il trouve ainsi au cœur des œuvres à copier, la matière qui fera de ses propres toiles des créations originales. La frontière entre original et faux se brouille. Peut-on parler de copie ou de recréation?
Une image récurrente est celle de alchimiste, qui tente non seulement de transformer la matière, mais de la changer en ce qu'elle n'est pas, ce qu'elle pourrait être. Tentative vouée à l'échec ... et ce d'autant plus quand les interprétations philosophiques sur lesquelles se fondait cette "discipline" ont été rendus obsolètes par l'avènement de nouveaux discours scientifiques sur la matière. Le parallèle avec Wyatt Gwyon est intéressant, parce que c'est à ce type d'échec que mène sa démarche d'artiste.
Mais finalement, se dessine en filigrane une question qui sera encore plus cruciale dans J. R., celle des échecs féconds. Voire, d'un quelconque "art" de l'échec, dans l'échec de l'art. Et c'est, de mon point de vue, ce qui fait l'intérêt de ces romans somme toute arides.
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