Quand on critique une série de livres, a fortiori du même auteur, vient un moment où il est difficile de ne pas se répéter. Dans le cas qui nous intéresse ici, cela fait déjà quatre ou cinq livres que je n'ai plus rien de neuf à dire sur les productions de Ian Livingstone, en grande partie parce que cela fait déjà quatre ou cinq livres que ledit Ian Livingstone n'a plus rien à dire dans ses productions lui non plus et qu'il se contente de chier de la copie ni faite ni à faire, en sachant bien qu'il suffit que son nom soit en couverture pour que ça se vende.
Bref.
Le héros des Sombres Cohortes n'est autre que le vainqueur de l'Épreuve des champions. Riche et célèbre depuis qu'il est ressorti vivant du Labyrinthe de la Mort, il a encore la bougeotte et décide de consacrer sa fortune à une noble cause. Il se trouve que d'après la rumeur, Agglax le Démon Fuligineux, récemment tiré de sa torpeur millénaire, serait en train de rassembler des troupes d'Orques, Gobelins et autres bestioles pour conquérir Allansia. Notre héros décide de lever lui aussi une armée pour lui barrer la route et repart à l'aventure à la tête de 220 soldats et nanti de ses 700 pièces d'or restantes.
Ne vous laissez pas abuser par ce résumé et les belles choses qu'il semble promettre. Certes, il est à la tête d'une armée, mais la plupart du temps, le héros se baladera seul, que ce soit dans les rues de la ville de Zengis ou dans les couloirs des Grottes des Météores. Même lorsque ses troupes l'accompagnent, leur présence est rarement déterminante, et le texte en fait si peu de cas qu'il est assez facile d'oublier qu'il a plusieurs centaines de gusses derrière lui. Aucun d'entre eux ne fera l'objet de la moindre ébauche de caractérisation, de la moindre tentative d'en faire davantage qu'une statistique sur votre Feuille d'Aventure. Steve Jackson était lui aussi tombé dans ce piège avec l'équipage de la Galaxie tragique, mais il avait l'excuse de l'inexpérience. Alors, certes, il y a des combats entre armées, mais ces affrontements sont rares, dépourvus de toute stratégie et se résolvent en quelques lancers de dés. C'est bien pauvre. Et pourtant, c'est la seule raison pour laquelle ce livre échappe au 1/10.
Parce que le reste, c'est du Livingstone par le texte : de l'exploration linéaire d'environnements ressassés (Zengis, c'est le Port du Sable Noir, et les Grottes, un donjon bateau) avec des pièges imprévisibles et massivement brutaux (c'est la première fois que je vois un malus de 6 points d'Habileté !), des objets et informations indispensables à gogo (qui vont d'une statue de hibou en airain au nombre de membres d'équipage d'un bateau) et un mépris complet pour la vraisemblance et le fair play. Dès le premier paragraphe, si vous faites le mauvais choix, vous avez perdu, puisqu'un des deux chemins offerts présente un objet indispensable introuvable sur l'autre, et ce n'est que la première des nombreuses façons dont ce livre va essayer d'entuber son lecteur. À ce stade, je n'ai même plus envie de supposer que Livingstone était de bonne foi, ni même qu'il lui restait une once d'humanité. Je ne peux que l'imaginer en train de ricaner en pensant aux gosses naïfs qui allaient essayer de finir ce torchon à la loyale.
Dans les Sombres Cohortes, vous trouverez également, en vrac :
- un Oracle aux exigences dignes de celles de Zérodieu dans la Crypte du Sorcier ;
- un ninja qui parle en petit nègre (soupir) ;
- un caméo de Livingstone dans le rôle d'un personnage qui nous bassine avec ses histoires de régates, apparemment la dernière passion en date dudit Livingstone ;
- des vagabonds qui connaissent le moyen de vaincre un Démon (what) ;
- un vieux fou qui jette des tonneaux remplis de pommes empoisonnées dans une rivière (WHAT) ;
- un concours du plus gros mangeur de tourte au poisson et à la crème aux œufs contre Gros Bide (…) ;
- un combat contre un vaurien qui s'appelle Gros Lard (… …) ;
- une question à choix multiple dont la réponse n'est même pas dans ce livre (!!) ;
- un boss final qui ne prononce pas un mot.
Oui, les listes à puces, c'est de la paresse, mais j'ai déjà fourni plus d'efforts que Livingstone n'en a fourni pour écrire cette sombre merde. Vous n'avez pas idée du plaisir que ça me fait de savoir qu'une fois que j'aurai mis le point final à cette critique, je ne reverrai pas son nom avant douze tomes supplémentaires de la série.