Un roman dont la matière centrale est ... l'écriture d'un roman. Svistonov, le personnage écrivain, n'a rien à dire/écrire de particulier. A quoi bon puisqu'il dispose du talent nécessaire pour écrire un livre à partir de rien; ou plutôt à partir de ses observations quotidiennes des personnes qu'il fréquente et qu'il transforme illico en matière littéraire, en marionnettes livresques, en un inquiétant processus de déshumanisation.
Rappelons toutefois que ce roman fut écrit en 1929, en pleine montée de la terreur stalinienne, et que cette perte du sens met en lumière la réalité contrainte des écrivains russes en cette époque, condamnés désormais à ne rien dire qui puisse déranger les autorités. Une clé indispensable à la compréhension de cet ouvrage singulier - qui fut rapidement interdit.
"Il sentait qu'autour de lui tout se raréfiait de jour en jour. Les lieux par lui décrits se transformaient en terrains vagues, les gens qu'il avait connus perdaient à ses yeux tout attrait."
Konstantin Vaguinov (1899-1934), membre de l'éphémère groupe d'avant-garde Oberiou (1927-1931) avec entre autres Daniil Harms et Alexandre Vvedenski, fut également un poète qui fit l'admiration de Ossip Mandelstam. Il est également l'auteur des romans "Le chant du bouc" (1927) et "Bambocciada" (1931). L'ensemble de son œuvre, interdite, ne refera surface en Russie que dans les années 90.