Ca devait être un livre sur les premiers congés payés de 1936 et ce n’est qu’une toile de fond pour la description d’une amourette de vacances où son héros Marius, l’adolescent prolétaire, apprendra la vie et son lot de désillusions.
Nicolas Rey nous fait du Nicolas Rey, même avec sujet imposé. Il y développe son célèbre romantisme sauvage, par la genèse, où la partie masculine du binôme amoureux se casse les dents sur la réalité de l’indifférence pour finir désabusé et la proie d’addictions psychotropes.
Rey dévoile ici l’origine de son mal être et celui de ses personnages. Fracassé en pleine adolescence, le cœur en mille morceaux, anéanti dans l’engouement d’une sincérité première, d’un élan naïf où la moindre protection relèverait du manque flagrant d’éthique. Et toutes nos pensées étant conditionnées par la première expérience comme l’écrivait Nietzsche, la divergence prend racine avec tout au long du tunnel : alcoolisme, tabagie, récurrence de l’anxiolytique et peut-être quelques lignes de blanche.
Rey introduit habilement une différence de classe sociale entre ces deux juvéniles protagonistes. Marius, fils de pauvre profite pour la première fois de vacances (à Deauville). Emma, elle, est fille de bourgeois. Pour lui, elle est une chance historique ; pour elle, il est un amusement passager. Leur écart de rang pourrait en être la cause, car se mêle au désir physique tout un faisceau d’intérêts plus ou moins objectifs et conscients qui forme l’amour.
Pour conclure, l’homonyme du célèbre réalisateur de Johnny Guitar nous a fait un beau hors sujet au vu du défi lancé par la collection, mais il nous dévoile une part du mystère de son œuvre et de sa vision.
Dans la même collection, je me permets de vous conseiller le « Spiridon superstar » de Jaenada qui, lui, respecte le deal avec son éditeur, et avec maestria.
Samuel d’Halescourt