Les deux fins d'orimita karabegovic
Fiche technique
Auteur :
J. MatillonDate de publication (pays d'origine) : Parution France : 19 mai 1998Éditeur :
Maurice NadeauISBN : 9782862311371Résumé : Elles sont douze, « choisies entre toutes les femmes », leur a dit le Professeur. En raison de leur culture et de leurs origines. Et parce que ce sont des intellectuelles. Leur culture est européenne : rien à redire, n'est-ce pas, à la culture européenne, ses Lumières, ses sciences, ses arts, ses philosophies, son universalisme. Ce sont leurs « regrettables origines » qu'il va falloir purifier. Et les lieux de ces origines : villes et villages, corps. D'intellectuelles qui comprendront. Orimita Karabegovic est l'une d'elles. Quand la guerre a commencé elle préparait à l'université de Zagreb une thèse sur Mallarmé et la logique négative et espérait devenir professeur de littérature française. Le jour où la guerre a éclaté elle assistait à un mariage à Vukovar. On ne croyait pas à la guerre. On croisait sur la route quelques convois de réfugiés. Les Serbes avaient bien rasé des villages et quelques bourgades, à l'ouest de la Slavonie et au nord de la Krajina. Le président de la République de Serbie appelait bien son peuple à se battre jusqu'à la dernière goutte de son sang pour retrouver ses frontières historiques, la terre sacrée de ses ancêtres, son honneur bafoué au XIVe siècle. Mais c'était un anachronisme, davantage, une bouffonnerie. On était en Europe, quand même. À un moment quelqu'un a dit : « Venez voir à la télévision, des chars entrent dans la ville. » La ville c'était Vukovar. Bientôt les chars ont tiré et le plafond s'est effondré sur la noce. De ce jour-là la Bosniaque Orimita Karabegovic, de père musulman et de mère croate, d'amis musulmans, serbes, croates, bosniaques, slovènes, kosovars, monténégrins, a été désignée comme musulmane, et seulement musulmane. Déjà elle ne peut plus entrer dans l'hôpital voir son père qui a sauté sur une mine. L'entrée lui en est interdite, d'ailleurs elle n'est pas certaine que son père est encore vivant.