Le premier attrait de ce roman, c’était son autrice québécoise,Jocelyne Saucier, et la curiosité de voir comment elle allait traiter de la famille nombreuse. Ce qu’elle raconte, une cellule familiale de vingt et un enfants dans le Canada minier profond, a des patines de la littérature d’Emile Zola quand il traitait de personnages modestes et pas aidés par la vie et la destinée. De plus, les aînés de cette famille Cardinal sont tour à tour narrateurs pour permettre un éventail de points de vue sur leur histoire ayant fini par dérailler le jour où leur père ( pensant qu’il ne pouvait plus nourrir toute sa famille) a fait venir un couple pour faire adopter les jumelles Angèle et Carmelle. Quelque part, cet événement terrible sera le terreau d’un dysfonctionnement familial qui sera au cœur d’un drame. Jocelyne Saucier, avec ce récit polyphonique, parvient à bien faire émerger les identités masculines et féminines de la famille Cardinal. Néanmoins, dès que la visite du couple en quête d’adoption arrive, tout le minimum de positivité autour de la famille nombreuse s’effondre et les Héritiers de la mine ne forme plus que des récits âpres où les violences intra-familiales, des jugements de valeurs terribles sur les « culs-terreux »du village et des effondrements psychologiques des uns et des autres affluent. Géronimo, El Toro, la Tommy, le Fion devenus adultes, ne font alors que raconter leurs existences balbutiantes car le drame de leur famille n’a pas été réglé et qu’ils les hantent encore jusqu’à la remise d’une récompense émérite de prospecteur pour leur père des décennies plus tard. Jocelyne Saucier, bien qu’animée d’une plume avisée, finit quand même par miner le moral de son lecteur dont le salut est de quitter vite cette histoire sans issue où l’absente Angèle n’aura pas vécu la vie qu’elle mérite à cause de l’enchaînement désastreux des événements autour d’elle et de sa fratrie où l’instinct primaire aura pris l’ascendant sur l’entraide et le réconfort ( ce que la Tommy appelle ses trahisons à juste titre). Bonne découverte littéraire de cette autrice québécoise mais quelle histoire terrible et désabusée!